En attendant Air Comores

Faute d’une desserte aérienne convenable et d’hôtels en nombre suffisant, le pays peine à séduire les vacanciers.

Publié le 15 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le tourisme comorien est un secteur en friche. Pourtant, le pays ne manque pas d’atouts. Ses sites sont splendides et variés, sa végétation luxuriante, ses fonds sous-marins d’une grande richesse, et chacune des trois îles possède son identité propre et des paysages à couper le souffle. Enfin, les Comoriens ont conservé un authentique sens de l’hospitalité. Sur le papier, le pays a donc tout pour devenir une destination émergente. Mais il continue de traîner une sulfureuse réputation. « Les mercenaires, les coups d’État à répétition et l’instabilité politique chronique nous ont fait une publicité désastreuse, admet Houmed Msaidié, le ministre de la Défense, de la Sûreté du territoire, des Infrastructures stratégiques et de la Communication en charge du Tourisme. Pourtant, notre histoire n’a pratiquement jamais connu d’épisodes violents ni d’émeutes, les étrangers n’ont jamais été inquiétés et la plupart des coups d’État se sont résumés à des révolutions de palais. On n’imagine pas à quel point la vie peut être tranquille dans l’archipel. » De fait, la mauvaise réputation des Comores est très largement injustifée. La criminalité y est inconnue, les rues sont sans risques, on peut s’y promener de jour comme de nuit, et les querelles politiciennes, permanentes, n’ont pas un impact démesuré sur la vie quotidienne. Moroni, à l’instar du reste du pays, est un havre de paix. Rien à voir avec Abidjan ou Lagos. En réalité, le problème est d’une autre nature. L’archipel, mal desservi par les compagnies aériennes, est enclavé. Et ses infrastructures d’accueil aux normes internationales se limitent à trois établissements : deux sur l’île de la Grande Comore, le charmant Royal Itsandra, situé à dix minutes de la capitale et pourvu de vingt chambres, et le Moroni, plus froid mais plus central, disposant d’une soixantaine de chambres. Et un sur l’île d’Anjouan, l’hôtel Al-Amal.
En 2001, la suppression des liaisons hebdomadaires avec l’Afrique du Sud, assurées par Emirates Airlines, a porté un coup fatal au seul complexe hôtelier de grande taille du pays, le Galawa Beach de Mitsamiouli : il a mis la clé sous la porte et licencié ses quatre cents employés. Cet hôtel de cent quatre-vingts chambres venait d’être repris par le suisse Sofitours, après le désengagement du groupe sud-africain Sun International. L’arrivée de la compagnie réunionnaise Air Bourbon, qui a ouvert récemment une liaison directe Paris-Moroni, va-t-elle changer la donne ? Une chose est sûre : elle va désenclaver un archipel qui n’était plus relié à l’Europe que par deux compagnies, Air Austral (avec étape et changement d’appareil à la Réunion) et Yemenia Airlines (avec transit par Sanaa). Les dirigeants d’Air Bourbon croient au potentiel du pays et veulent ouvrir une ligne régulière entre Moroni et Marseille, la capitale de la diaspora comorienne. Et ils pourraient participer à la création d’une nouvelle compagnie, Air Comores International. Le projet est bien avancé, et on en connaît maintenant les contours. L’État comorien devrait y participer à hauteur d’environ 20 % du capital, Air Bourbon, le partenaire stratégique, à hauteur de 40 %, le reste devant être réparti entre des privés comoriens ou français. « Au départ, note un proche du dossier, il suffira de 1,6 million d’euros en argent frais pour lancer la société et louer un ou deux long-courriers, qui assureront les liaisons avec l’Europe, Dubaï, l’océan Indien et l’Afrique du Sud. »
L’adhésion des Comores à l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna), la rénovation et l’extension des pistes de l’aéroport de Hahaya, financées par la coopération chinoise – le chantier devrait commencer début 2005 – ont créé un contexte propice au retour des pavillons étrangers. Les touristes, qui ne sont encore que quelques centaines (hors clientèle d’affaires) à fréquenter les plages de l’archipel, pourraient suivre, car le Galawa pourrait trouver un repreneur d’ici à la fin de l’année. L’homme d’affaires d’origine indienne, Amine Khalfane, est sur les rangs. Mais c’est Air Bourbon qui tient la corde. Le coût des travaux de rénovation oscillera entre 3 millions et 10 millions d’euros, et la concession se fera à des conditions très avantageuses, peut-être même gratuitement. « Nous n’allons pas faire la fine bouche en proposant un bail hors de prix, affirme le ministre Msaidié. Notre priorité est le développement du tourisme. » Restera, alors, à créer des circuits et à faire profiter chacune des îles de cette manne providentielle…

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