Divorce ou remariage ?

Publié le 15 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Cela va faire bientôt dix ans que la Côte d’Ivoire, hier joyau de l’Afrique de l’Ouest, en est devenue l’homme malade. Ses voisins, mais aussi la France, l’Afrique du Sud, l’Union africaine, l’ONU, se sont évertués à la remettre d’aplomb. Jusqu’ici sans succès : on la voit rebondir d’un spasme à l’autre, chacun plus grave que le précédent.
De Londres, où il se trouve, « sous la protection des lois », un de mes lecteurs, Issiaka Konaté, m’écrit ceci, qui exprime le désarroi des Ivoiriens (et des Africains dans leur ensemble) :
« Cher aîné,
Mon pays, la Côte d’Ivoire, peine à retrouver ses sens. Rien, depuis la signature des accords de Marcoussis, n’est fait pour favoriser l’apaisement. Chacun joue à la manipulation et le peuple est le plus grand perdant.
Qui se soucie de ce peuple qu’on dit vouloir aider et qui fait les frais des folies journalières d’une jeunesse sans but, sans avenir, dans un pays où se soigner est un luxe ?
Je ne peux accepter de voir mon pays aller à la dérive dans cette sorte d’indifférence coupable.
Nos intellectuels ont pendant longtemps, pour la plupart d’entre eux, contribué à l’exacerbation des passions négatives et ils continuent d’instiller le venin. […]
Identifier le problème sans le nier est la première étape qui nous aidera à réagir. Il y a un cri des populations, dans leur diversité, qui mérite d’être entendu. […]
Nous le devons à notre pays, dont la force fut sa diversité. […]
Toutes ces attaques contre les étrangers, noirs ou blancs, me font honte. »

Les accords de Marcoussis, signés il y a près de deux ans, avaient pour ambition de « recoller les morceaux », de réconcilier les deux (ou trois) Côte d’Ivoire. Il est clair qu’ils n’y sont pas parvenus, et tout aussi clair, à mon avis, qu’on perd son temps à chercher le salut dans cette direction : persévérer dans cette voie ne peut qu’enfoncer le pays et la région dans la crise, dans de plus grands malheurs.
Que faire ? Il faut, je pense, se résoudre à explorer une autre voie, oser quelque chose de différent, envisager l’opposé.

la suite après cette publicité

La colonisation française, exercée par un État qui avait alors pour religion la centralisation, nous a inculqué l’idée qu’il n’y a d’État qu’unitaire.
Idée fausse, voire pernicieuse. Dans le vaste monde, beaucoup de pays, et qui fonctionnent très bien, sont des fédérations composées de plusieurs États. Certains sont grands et puissants : l’Allemagne, les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil… D’autres sont plus petits : la Belgique, la Suisse, les Émirats arabes unis. Ou, comme le Canada, beaucoup moins peuplés.
En Afrique même : le Nigeria et l’Éthiopie sont déjà des fédérations ; la RD Congo (ex-Zaïre) et le Soudan auraient dû l’être, ce qui leur aurait évité bien des désordres.
Le Maroc aurait plus facilement et plus vite résolu le problème du Sahara occidental (et mis plus à l’aise sa composante rifaine) s’il avait « sauté le pas » et s’était constitué en royaume fédéral.

Pourquoi la Côte d’Ivoire, dont les dirigeants (et, à leur suite désormais, les populations) ne parviennent plus à vivre ensemble au sein d’un État unitaire, ne se constituerait-elle pas en une fédération de deux ou trois États ? Il y aurait un gouvernement fédéral, à Yamoussoukro par exemple, coiffant deux ou trois États fédéraux (au nord, au sud et à l’ouest).
Au sein d’une fédération, il y a, on le sait, des intérêts communs et des lois fédérales, des intérêts particuliers régis par des textes spécifiques ; la libre circulation des hommes, des biens, des capitaux est assurée.

La situation actuelle est une partition de fait, une « séparation de corps » entérinée par la présence de forces (étrangères) d’interposition : elle conduit au divorce. La fédération, pour peu qu’on adhère à l’idée et s’attelle à la mettre en oeuvre, serait, à l’inverse, un retour à la vie en commun, dans le respect des particularismes.
Vous pouvez juger que mon idée n’est pas bonne ou que son temps n’est pas encore venu.
Débattons-en.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires