Vive la mondialisation sans étrangers !

Selon une enquête menée dans quarante-sept pays, la confiance dans le libre-échange progresse, de même que la méfiance à l’égard des immigrés.

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

« Va pour le libre-échange et la globalisation de l’économie, mais non à l’immigration. » Telle est, en substance, l’opinion de la majorité des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage du Pew Research Center (PRC) publié le 4 octobre. L’enquête de l’institut américain basé à Washington a été réalisée entre avril et mai derniers sur un échantillon de 45 000 personnes réparties dans 47 pays.
Plus de 7 personnes sur 10 en Grande-Bretagne, en République tchèque, en Italie, en Russie, en Espagne et aux États-Unis sont favorables sinon à une restriction, du moins à un meilleur contrôle des flux migratoires, tandis qu’une petite majorité de Japonais et trois Sud-Coréens sur quatre estiment qu’un durcissement de la politique d’immigration n’est pas nécessaire. Le PRC, qui se considère comme un fact-tank parce que ses travaux se fondent sur les faits et seulement sur les faits, compte parmi ses dirigeants l’ancienne secrétaire d’État de Bill Clinton, Madeleine Albright. « Il constitue la meilleure source d’enquête d’opinion concernant les relations entre les États-Unis et le reste du monde », explique Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).

L’étude présente une opinion mondiale contrastée, parfois en proie au doute et qui se montre contradictoire à bien des égards, autant dans les pays pauvres que chez les plus riches. La grande majorité des sondés se disent favorables à la mondialisation économique et financière, au développement des entreprises multinationales et au libre jeu de la concurrence. Mais on note un déclin de la confiance dans le libre-échange chez les Européens de l’Ouest, à cause des délocalisations et des nombreuses pertes d’emplois qu’elles occasionnent. La situation est différente en Asie, principalement en Inde et en Chine, où l’on adhère massivement à la mondialisation et au libre-échange. Toutefois, la plupart des opinions se disent préoccupées aussi bien par les inégalités, les menaces qui pèsent sur leur culture et leur mode de vie que par les risques environnementaux et, surtout, l’immigration.
Pour une majorité importante d’Américains et de Canadiens, l’arrivée et l’installation de migrants asiatiques et latino-américains restent cependant une bonne chose. Le sondage révèle aussi qu’une majorité de Français et de Britanniques voient d’un bon il l’arrivée de travailleurs originaires du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’Europe de l’Est. Ainsi, depuis 2002, le nombre d’Américains souhaitant une politique d’immigration plus restrictive a reculé. La même tendance à la baisse s’observe en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Cette évolution des mentalités est due au vieillissement de la population et à la faiblesse singulière du taux de natalité, notamment en Allemagne. L’étude précise néanmoins que les sondés n’en exigent pas moins une politique d’immigration plus maîtrisée.
En revanche, l’Italie est plus tranchée dans sa perception de l’immigration. Confrontés à l’afflux important de migrants illégaux venus d’Afrique subsaharienne, les Italiens se prononcent très largement pour une meilleure surveillance des frontières et pour un durcissement des lois sur l’immigration. De 80 % en 2002, le pourcentage de personnes interrogées qui se disent favorables aux restrictions de la législation portant sur l’immigration est passé à 87 % en 2007. Les Italiens sont également les plus nombreux, parmi les Européens, à souhaiter que leur mode de vie soit « protégé de l’influence étrangère ». Seulement 20 % d’entre eux restent favorables à l’arrivée et à l’installation sur leur sol de travailleurs ressortissants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, contre 67 % qui y sont opposés. De même, seuls 26 % d’Allemands considèrent que l’immigration moyen-orientale et nord-africaine est une bonne chose, tandis que 67 % sont convaincus du contraire.

la suite après cette publicité

La première curiosité de l’enquête du Pew Research Center concerne la Jordanie, où l’on relève une montée significative d’opinions négatives sur l’immigration, de 48 % en 2002 à 70 % cette année. À cela une raison simple : l’afflux massif de réfugiés irakiens chassés par la guerre et le terrorisme. Au Maroc, pays de transit des migrants qui se rendent en Europe, 70 % des sondés se prononcent pour un renforcement des contrôles aux frontières.
Seconde curiosité : le pays où le pourcentage d’opinions négatives sur l’immigration est le plus élevé est un pays en voie de développement, l’Indonésie, où 89 % des personnes interrogées se disent très favorables à un tour de vis dans les politiques migratoires du pays face à l’afflux de Sri-Lankais, d’Irakiens, de Thaïlandais et de Cambodgiens.
Enfin, 55 % des sondés aux États-Unis sont convaincus, malgré les échecs de la guerre en Irak et la dégradation de l’image de leur pays dans le monde, de la supériorité de la civilisation américaine. En Europe, seule l’Italie, où 7 personnes sur 10 parlent de « supériorité de la culture italienne », affiche une telle confiance en soi. Dans le reste de l’Europe, l’heure est plutôt à l’humilité ou à l’autocritique : en France et en Grande-Bretagne, 3 personnes sur 10 seulement pensent que leur culture est supérieure, tandis qu’en Suède, elles ne sont que 2 sur 10 à le croire.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires