Violence et démocratie

Selon l’ONG Human Rights Watch, certains hommes politiques se livreraient à des activités criminelles.

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 2 minutes.

Au Nigeria, la frontière entre crime et politique est souvent très poreuse. Et cela ne va pas en s’améliorant. C’est ce qu’affirme en tout cas l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport au vitriol paru le 9 octobre sous le titre « Politiques criminelles : violence, parrains et corruption au Nigeria. » Bien que le pays soit revenu au pouvoir civil en 1999, après trois décennies de régimes militaires successifs, les élections de 2003 et 2007 ont été marquées par la recrudescence de violences et de fraudes à grande échelle.

« La conduite de nombreux fonctionnaires et hommes politiques est tellement entachée de violence et de corruption qu’elle s’apparente davantage à une activité criminelle qu’à une gouvernance démocratique », accuse le rapport. Qui ajoute que de puissants « parrains », sans fonctions officielles, tirent souvent les ficelles du jeu politique en « protégeant » de nombreux élus en échange de rétributions diverses et d’un droit de regard sur les nominations de fonctionnaires, notamment dans les États d’Oyo (Sud-Ouest) et d’Anambra (Sud-Est). Dans ce dernier, note le document, le « parrain » Andi Uba a même été élu gouverneur en 2007, sous la bannière du Parti démocratique du peuple (PDP, parti présidentiel), qu’il avait lui-même « protégé » pendant des années. Bien sûr, avant le scrutin, il s’était assuré les services de plusieurs milices chargées de prendre le contrôle du processus électoral et de terroriser la population.
Selon HRW, le fait d’armer des gangs à des fins politiques est une activité généralisée au Nigeria. Laquelle peut échapper à tout contrôle en dehors des périodes d’élection, comme dans l’État de Gombe, victime d’une rivalité sanglante entre bandes. La situation la plus préoccupante reste néanmoins celle de l’État de Rivers (Sud), qui détient la majeure partie des ressources pétrolières du delta du Niger : en 2003, le gouverneur de l’époque, Peter Odili, y avait mis sur pied des milices dans le but de se faire réélire confortablement. Un an plus tard, les combats entre les différents groupes de mercenaires firent de nombreuses victimes civiles. Et en 2007, un scénario identique conduisit à des affrontements dans les rues mêmes de Port-Harcourt, qui se soldèrent par des dizaines de morts civiles.

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Enfin, le rapport tire la sonnette d’alarme quant à la culture de l’impunité qui règne au Nigeria. Il signale en particulier qu’aucun effort sérieux n’a été entrepris du temps de l’ancien président Olusegun Obasanjo pour juger les responsables présumés des violences politiques, à l’exception de quelques opposants au PDP. Et indique que « corruption, violence et impunité naissent au cur même des institutions gouvernementales qui devraient les combattre. » Pour autant, l’ONG américaine ne désespère pas de voir l’État de droit progresser au Nigeria. À condition, rappelle-t-elle, que les réformes électorales entreprises par le nouveau chef de l’État Umaru Yar’Adua, élu en avril 2007, soient plus ambitieuses. Et surtout, menées avec grande fermeté.

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