Karina Gould : « En 2022, au moins 50 % de l’aide bilatérale du Canada ira vers l’Afrique »

Karina Gould, charismatique ministre canadienne du Développement international, revient sur les ambitions de son pays en matière d’aide au développement en Afrique.

Karina Gould, au Parlement canadien, à Ottawa, en mai 2019. © REUTERS/Chris Wattie

Karina Gould, au Parlement canadien, à Ottawa, en mai 2019. © REUTERS/Chris Wattie

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Publié le 19 août 2020 Lecture : 5 minutes.

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Ancienne activiste, notamment impliquée dans la défense des communautés indiennes, Karina Gould est entrée en politique en 2015 en devenant députée fédérale de Burlington, sa ville natale située dans l’Ontario.

Diplômée en relations internationales à Oxford, elle a été nommée ministre des Institutions démocratiques en 2017, avant de prendre, deux ans plus tard, le portefeuille du Développement international. À 33 ans, elle est la plus jeune des ministres de Justin Trudeau. Charismatique, beaucoup à Ottawa l’imagine déjà succéder un jour à l’actuel Premier ministre.

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Jeune Afrique : Quels sont les principaux objectifs du Canada en matière d’aide au développement en Afrique ?

Karina Gould : L’Afrique est le premier récipiendaire de l’aide canadienne dans le monde. En 2018-2019, nous avons contribué à hauteur de 2,5 milliards de dollars canadiens, soit plus du double que pour n’importe quelle autre région du monde. Notre partenariat avec l’Afrique s’inscrit sur la durée : depuis 2007, nous avons déboursé plus de 23 milliards de dollars canadiens en aide bilatérale et multilatérale dans les pays subsahariens. Et nous prévoyons en 2022 d’y concentrer 50 % au minimum de notre aide bilatérale consacrée au développement.

Dans le cadre de notre politique d’aide internationale féministe (PAIF), nous voulons favoriser tout particulièrement l’égalité des genres. En Afrique comme ailleurs, nous concentrons nos efforts sur les questions de droits humains, de dignité et d’autonomisation des femmes, car nous croyons fermement que c’est en renforçant le pouvoir des femmes que nous réduirons la pauvreté et les inégalités.

Notre programme « Voix et leadership des femmes » est notre projet phare en ce domaine. Il apporte une aide directe aux organisations de défense des droits des femmes à travers 13 pays du continent. Nous nous sommes également engagés à investir 300 millions de dollars canadiens dans le Fonds Égalité, qui doit mobiliser à termes plus d’un milliard de dollars au profit de l’égalité des genres.

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Qu’est-ce qui différencie le Canada des autres partenaires de l’Afrique ?

Nous favorisons une approche intégrée des notions de sécurité, de développement et de coopération régionale, en collaboration avec nos partenaires africains et les différentes institutions présentes sur le continent, telles que l’Union africaine (UA) ou l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

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En Afrique, en plus de notre travail sur l’égalité des genres, nous concentrons nos actions sur la lutte contre le changement climatique ou le soutien aux accords de libre-échange. Nous cherchons également à favoriser les financements innovants en matière de développement durable, en poursuivant notre engagement avec les institutions financières internationales.

Concrètement, nous avons par exemple organisé, conjointement avec le Kenya en 2018, la première conférence mondiale consacrée à l’économie bleue. Nous avons apporté notre expertise lors des négociations de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale (ZLEC). Nous avons dans le même temps créé l’Institut de financement du développement – Canada (FinDev Canada), chargé de soutenir le secteur privé sur les marchés en développement. Enfin, nous sommes devenus aujourd’hui le quatrième actionnaire non africain le plus important de la Banque africaine de développement (BAD).

Les problèmes déjà existants comme les violences sexuelles n’ont pas disparu avec le Covid-19, au contraire

L’irruption du Covid-19 a-t-elle provoqué un changement d’approche du Canada en matière de coopération avec l’Afrique ?

Mon ministère s’est concentré sur le maintien des programmes existants autant que possible, tout en tenant compte du contexte nouveau provoqué par l’arrivée de cette pandémie. Les problèmes déjà existants n’ont pas disparu avec le Covid-19, au contraire, ils ont pu pour certains s’aggraver, qu’il s’agisse de la vaccination des enfants, de la lutte contre les violences sexuelles, mais aussi du soutien aux agriculteurs locaux pour renforcer la sécurité alimentaire ou de la lutte contre le changement climatique. Autant de dossiers considérés comme des priorités en Afrique par le Canada.

Concernant la pandémie, nous avons alloué 500 millions de dollars canadiens, dans la lutte mondiale contre le Covid-19, mais nous avons surtout cherché à répondre aux besoins urgents, en fournissant par exemple des trousses de dépistages via le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Africa). Nous avons également agi en décaissant des fonds supplémentaires pour relever le défi de la sécurité alimentaire, mais aussi pour combattre l’accroissement des  violences faites aux femmes ou assurer la continuité de l’éducation dans les pays où les écoles ont été fermées.

Le Canada est à la fois membre de l’Organisation internationale de la francophonie et du Commonwealth. Comment travaillez-vous avec ces deux organisations, en direction de l’Afrique notamment ?

Le Canada est membre fondateur de ces deux instances multilatérales et nous travaillons en effet en étroite collaboration avec eux sur l’Afrique. En 2019, nous avons contribué à hauteur de 46 millions de dollars canadiens à la mise en œuvre de programmes francophones, destinés par exemple à promouvoir la langue française sur le continent, mais aussi la paix, la démocratie et les droits humains, la coopération économique, la formation et l’éducation. Ainsi, dans le cadre de l’OIF, nous contribuons au financement des bourses pour les jeunes chercheurs et étudiants africains.

Au sein du Commonwealth, nous travaillons avec nos partenaires africains pour promouvoir et protéger la démocratie, l’égalité des sexes, la bonne gouvernance et l’État de droit, le renforcement de la paix et de la sécurité. Nous soutenons très activement l’initiative Commonwealth of Learning, qui a permis à plus de 1 400 filles de réintégrer les structures d’enseignement formel en Tanzanie et au Mozambique.

Comment s’inscrit l’aide au développement dans la diplomatie économique du Canada ?

Nous assurons bien sûr la promotion de nos entreprises à travers le continent, y compris dans ce contexte de pandémie. Nos secteurs de la santé et de la recherche médicale fournissent des équipements et des technologies via le nouveau système de portail en ligne mis en place par l’UA.

Tout cela est complété par nos programmes en matière de développement, comme celui destiné à soutenir les femmes employées sur les mines artisanales en RD Congo. Nous collaborons aussi avec la Société financière internationale (SFI) pour créer des outils financiers susceptibles d’attirer les investissements privés dans des projets visant à promouvoir l’égalité des genres dans l’accès aux énergies renouvelables.

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