Un pont entre les continents

La coopération décentralisée fait des émules. Aujourd’hui, plus de cent cinquante communes françaises sont jumelées avec des villes burkinabè.

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Quel est le point commun entre Lyon, Rouen ou encore Châtellerault ? Le Burkina. Ces trois agglomérations françaises sont jumelées avec des villes burkinabè. Et elles ne sont pas les seules. Au cours des vingt dernières années, la coopération décentralisée a connu un véritable essor au « pays des Hommes intègres », où elle est même devenue une voie privilégiée du développement. Le premier, et le plus célèbre, jumelage Nord-Sud date de 1967, lorsque la ville de Loudun (ouest de la France) décida de se lier à Ouagadougou sous l’impulsion de l’ex-président du Sénat français, René Monory, alors maire de cette commune de la Vienne. Quarante ans plus tard, ce type de coopération directe fait toujours des émules, les autorités burkinabè y voyant « une manière efficace d’encourager la démocratie locale et d’uvrer pour le bien des populations sans avoir à supporter les aspects bureaucratiques ou passer par les administrations centrales régulièrement suspectées de dilapider les aides », explique un observateur.

Le poids de cette coopération s’est progressivement imposé non seulement sur le terrain, mais aussi au plus haut niveau de l’État grâce à l’existence d’un ministère délégué aux Collectivités locales rattaché à celui de l’Administration territoriale et de la Sécurité (ATS). L’emprise de ces partenariats, qui génèrent chaque année 3 milliards de F CFA (4,5 millions d’euros), va de pair avec le processus de décentralisation engagé depuis 1995 et les élections municipales d’avril 2006 qui ont vu la création de nouvelles communes. En outre, la Commission nationale de la coopération décentralisée (Conacod), placée elle aussi sous la tutelle du ministère de l’ATS, est chargée, depuis sa création en juin 2000, d’aider « à l’avènement d’une coopération décentralisée basée sur la concertation et la recherche d’une meilleure couverture spatiale dans les interventions et les partenaires ». Il faut dire que cette politique de proximité offre une multitude d’avantages. Des aides dans des domaines aussi importants que l’assainissement, la collecte des ordures ménagères ou l’hydraulique, des échanges d’expérience de gestion urbaine, mais aussi un déploiement d’ONG actives dans les secteurs prioritaires qui suppléent souvent aux carences de l’État. Au-delà de son apport sur le terrain, elle permet surtout aux autorités de mieux faire connaître le Burkina à travers le monde.

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Si des rapprochements ont été réalisés avec d’autres pays comme la Belgique, l’Italie ou le Canada, c’est avec la France que les partenariats sont les plus nombreux, à tous les échelons administratifs. Pour le ministère des Affaires étrangères, « la stabilité politique et sociale et le dynamisme de sa population, combinés avec ses besoins réels en matière de développement économique font du Burkina une terre d’élection des ONG, associations et collectivités territoriales françaises ». Plus de cent cinquante communes françaises sont ainsi jumelées avec des villes ou des communautés de villages burkinabè uvrant pour la bonne gouvernance ou la promotion culturelle. En ce qui concerne le cinéma, des négociations sont actuellement en cours entre Ouagadougou et Cannes, où se déroule, chaque année, le célèbre festival. Quant aux ONG françaises, on en dénombre aujourd’hui deux cents implantées au Burkina. « Année après année, nous labourons la France. Nous sommes désormais crédibles, car ces organisations ont le sentiment d’avoir de vrais interlocuteurs face à elles », affirme Filippe Savadogo, porte-parole du gouvernement. Si elle est encouragée, cette présence a toutefois son revers : la multiplication des intervenants aux méthodes différentes, voire opposées, animés par un altruisme certes sincère mais souvent éloigné des besoins des populations, qui échappent au contrôle de l’État. « À travers les jumelages, certaines collectivités recherchent surtout une visibilité internationale. D’autres sont davantage préoccupées par ce que pensent leurs administrés », explique-t-on au ministère de l’Administration territoriale. Aussi les autorités burkinabè ont-elles décidé de sensibiliser ces acteurs sur les besoins réels de la population. « Nous sommes pour une philosophie du don. Sans faire n’importe quoi sous prétexte de générosité », souligne Savadogo. Avec le temps, les collectivités sont devenues les véritables maîtres d’uvre des projets financés par les ONG et les villes françaises.

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