Sous le sceau du secret d’État

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

« Nous tenons à la stabilité monétaire que nous apporte le franc CFA » reprennent en chur la plupart des chefs d’État des pays de la zone franc pour justifier leur opposition de principe à une nouvelle dévaluation. Officiellement, pour le Trésor français, « le sujet n’est absolument pas d’actualité ». Mais si d’aventure la question était soulevée, elle provoquerait à n’en pas douter la fronde de plusieurs pays. Il est vrai que, depuis l’annonce de la dévaluation il y a treize ans par le ministre de la Coopération Michel Roussin, la situation a considérablement évolué. Moins passionnelles, les relations entre la France et ses partenaires subsahariens ont laissé place au pragmatisme. Pragmatisme de Paris, qui prend acte de l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération de responsables politiques, moins liés à l’ancienne puissance coloniale. Pragmatisme surtout des États africains qui, décomplexés par la mondialisation, ont gagné en assurance et multiplié les partenaires.
Ces pays, dont certains ont vu leurs recettes dopées par la flambée des cours du pétrole, seraient-ils prêts à subir les conséquences sociales d’une dévaluation ? Rien n’est moins sûr. Déjà, les présidents gabonais Omar Bongo Ondimba, sénégalais Abdoulaye Wade et tchadien Idriss Déby Itno se sont ouvertement prononcés contre. « Le fait que l’on pose le principe d’un réajustement, voire d’une nouvelle dévaluation, montre combien les bienfaits de la première ont été limités. Les exportations ont été encouragées au cours des premiers mois, mais l’impact social a été très lourd. Au final, les bénéfices ont été moindres dans le temps », explique un conseiller de la présidence malienne.
En cas de dévaluation, le principe d’un éclatement de la zone CFA serait inéluctablement posé. Si tabou il y a, c’est sur cette question qu’il porte. D’où la gêne apparente des dirigeants africains lorsqu’on les interroge. « Chacun sait que plusieurs chefs d’État, qui ne verraient plus d’avantages à garder le CFA, quitteraient cette zone au risque de l’émietter. C’est sans doute pour cette raison que le sujet est si peu abordé », souligne-t-on à la Banque de France. « Le sujet n’a jamais été évoqué publiquement par Blaise Compaoré », explique pour sa part la présidence du Burkina comme pour confirmer un certain malaise. Les propos tenus par le président Obiang Nguema, lors d’un entretien privé en septembre dernier, ne laissent, en revanche, aucun doute sur l’attitude de la Guinée équatoriale. « Nous réserverions notre réponse quant à notre avenir au sein de cette zone et créerions, le cas échéant, avec les pays qui le souhaiteraient, un nouvel espace économique en Afrique centrale. » Propulsée en quelques années au rang de petit émirat, l’ancienne colonie espagnole a le verbe d’autant plus libre que son poids au sein de la Cemac est désormais prépondérant.
De fait, la multiplicité des positions reflète des réalités disparates. Si certains États fragiles disposant d’une base productive réduite comme la République centrafricaine, la Guinée-Bissau ou le Niger auraient beaucoup à perdre, il en va autrement des pays exportateurs (Côte d’Ivoire, Cameroun, Guinée équatoriale), dont la marge de manuvre et les réserves monétaires rendent désormais possible une franche opposition. « Les Européens sont-ils prêts à continuer à garantir le franc CFA ? Jusqu’à quand et à quelles conditions ? S’ils renâclent, je crois que nous sommes capables de garantir une nouvelle monnaie avec l’argent du pétrole. La France doit nous proposer un nouvel accord. Nous l’examinerons et nous verrons alors quelle décision il convient de prendre », ajoutait encore Obiang Nguema il y a un an dans une interview à Jeune Afrique.
C’est dire si l’opposition de pays comme le Gabon ou le Sénégal, plus soucieux de préserver la communauté d’esprit avec la France, dissimulent difficilement les dissonances de ceux qui iraient jusqu’à remettre en cause le CFA. Un scénario extrême que souhaitent éviter les experts du Trésor français. Plus qu’une opposition frontale, il appartient donc aux responsables africains de proposer à leur tour des scénarios alternatifs. Il en va de l’avenir de la zone franc.

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