17 août 1960, le jour où le Gabon est devenu indépendant
Le 17 août 1960, le Gabon accède à l’indépendance. Le chef du gouvernement et futur président, Léon Mba, affiche alors son attachement à la France, qui lui vaut bien des critiques et pèsera lourd sur la suite des relations entre Libreville et l’ex-puissance coloniale.
Le 17 août 1960, à 00h15, Léon Mba, alors Premier ministre du Gabon, proclame l’indépendance de la République gabonaise. « En ces heures solennelles où ce pays va naître à son nouveau destin, martèle-t-il, ma pensée se tourne vers la France amie avec une gratitude profonde. » Présents à Libreville pour les célébrations, André Malraux, ministre d’État, et Alain Plantey, venu représenter l’influent Monsieur Afrique de l’Elysée, Jacques Foccart, souffrant et n’ayant pu faire le voyage, apprécient l’hommage à sa juste valeur. Et lorsque vient son tour de prendre la parole, Malraux ne manque pas de rappeler à son tour : « Que le Gabon le sache bien ! La France demeure à ses côtés ».
Entre les deux pays, l’histoire commune est déjà longue : si ce sont les Portugais qui, les premiers, ont accosté sur les côtes gabonaises au XVe siècle, la France s’y est implantée dès 1839 en signant avec le « Roi Denis » Antchuwé Kowé Rapontchombo, un chef mpongwe, un traité l’autorisant à installer un comptoir.
En 1886, le Gabon devient officiellement une colonie française et, malgré la résistance de quelques chefs guerriers fangs, mitsogos ou punus, il est ensuite fusionné avec le Congo-Brazzaville avant, en 1910, d’être intégré à l’Afrique Equatoriale française (AEF).
Le tournant de la Deuxième guerre mondiale
Comme dans les autres colonies, il faut attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour observer des changements significatifs. L’Union française est créée, abolissant l’indigénat dans les colonies au profit d’une citoyenneté française, et en 1946 le Gabonais Jean-Hilaire Aubame est élu député de l’assemblée française, après que le Gabon soit devenu une circonscription séparée du Congo-Brazzaville.
À Libreville, la vie politique s’organise, avec notamment la création en 1946 de l’Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG) d’Aubame, et du Bloc démocratique gabonais (BDG) de Léon Mba et Paul-Marie Gondjout en 1953. Les revendications d’autonomie gagnent en importance et lorsque, en 1958, le général de Gaulle revient au pouvoir à Paris, il en prend acte en proposant la « Communauté française », qui prévoit que les territoires d’Afrique seront dirigés par un Premier ministre.
Ce nouveau projet est soumis à référendum. En cas de réponse négative, les ex-colonies accéderont à une indépendance complète.
La campagne électorale s’organise à Libreville avec, dans le camp du « oui » à un maintien des liens avec Paris, le BDG de Léon Mba et Paul-Marie Gondjout, soutenu par les forestiers, ainsi que le parti d’Aubame, l’UDSG.
Du côté du « non », on trouve le Parti de l’unité nationale gabonaise (PUNGA), mené par René Sousatte et Jean-Jacques Boucavel, soutenu par le Mouvement gabonais d’action populaire (MGAP), un groupe d’étudiants gabonais anticolonialistes vivant en France. En septembre 1958, le « oui », pro-français, l’emporte à plus de 90 %, sauf dans la Nyanga (sud).
Le revers de Léon Mba
En 1959, Léon Mba accède au poste de Premier ministre et, conforté par la victoire de son camp, va jusqu’à suggérer que le Gabon se transforme en département français. Une idée rejetée à la fois par l’opinion publique et par la classe politique, et dont à vrai dire même Paris ne veut pas. Le 28 mai 1960, l’Assemblée législative gabonaise charge donc le gouvernement de négocier la souveraineté du pays, processus qui aboutit à l’indépendance du 17 août.
Malgré ce revers, Mba est élu président en 1961 – il était le seul candidat. Logiquement, ses premières années de mandat sont placées sous le signe d’une grande proximité avec Paris. « Suite à l’indépendance, la coopération française a assuré la continuité de l’État, avec par exemple des enseignants, des médecins, français, détaille l’historien Wilson André Ndombet. Les ingénieurs français s’occupaient des infrastructures. La France a implanté ses entreprises dans le manganèse (dès les années 1940, ndlr), dans l’uranium, la promotion de l’industrie du nucléaire, dès 1958, ou encore dans le pétrole avec la Société des Pétroles d’Afrique Équatoriale Française dès 1949, puis Elf devenu Total ».
Et lorsqu’en 1964, l’ancien allié de Mba, Jean-Hillaire Aubame, tente de le renverser par un coup d’État, c’est encore Paris qui intervient pour le maintenir au pouvoir. De quoi expliquer, comme le souligne le sociologue Joseph Tonda, qu’« il persiste au Gabon une opinion largement partagée selon laquelle aucun Gabonais ne peut devenir président sans être adoubé par la France, avec aussi la franc-maçonnerie – autre élément de la colonisation – comme passage obligé ».
Malade, Léon Mba cède progressivement le pouvoir à Albert-Bernard Bongo (qui se rebaptisera Omar lors de sa conversion à l’islam, en 1973) et meurt en 1967. Quant aux signes de la présence française dans le pays, ils se sont estompés avec les années mais n’ont pas complètement disparu. En témoignent, aujourd’hui encore, le camp de Gaulle où stationnent plus de 300 militaires français, mais aussi le large domaine de la résidence de l’ambassadeur de France, en bord de mer.
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