Piliers de la société

La gent féminine s’émancipe et acquiert un statut à la hauteur de son rôle. Mais les mentalités peinent à s’affranchir des pratiques passées.

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

« Triste et choquant. » Aïna Ouédraogo, secrétaire permanente du Comité national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE), n’a pas eu de mots assez durs pour qualifier la mort, fin septembre, d’une adolescente de 14 ans qui venait de subir, avec quinze autres jeunes filles, des mutilations génitales dans la ville de Pabré, à une quinzaine de kilomètres de Ouaga. Considérées par de nombreuses personnes comme un rite de passage de l’enfance à l’adolescence, les excisions ont toujours cours au Burkina. « L’excision est ancrée dans le système social, et il faudra du temps pour changer les mentalités », affirme Aïna Ouédraogo. Force est de constater toutefois que ces pratiques, interdites depuis 1996, sont en forte régression. Selon le CNLPE, le taux de mutilations génitales est passé de 77 % en 2001 à 49,5 % en 2005. Des progrès qui témoignent de la politique volontariste des autorités en matière de protection des femmes.
Dès son accession au pouvoir, Blaise Compaoré, soucieux de réformer la société, a légiféré pour donner aux femmes des droits équivalents à ceux des hommes et leur offrir une protection juridique contre les violences dont elles peuvent être victimes. En 1991, le gouvernement a élaboré un Plan d’action (1991-1995) visant à renforcer le rôle de la femme dans le processus de développement. Si sa mise en uvre n’a pas été concluante, son initiation a toutefois permis de lancer un mouvement qui n’a jamais faibli depuis. Le 10 juin 1997 est créé le ministère de la Promotion de la femme, qui a pour mission de mettre en uvre l’intégration sociale et économique du sexe dit faible dans la société. Deux grands chantiers ont alors été lancés : l’un vise à faciliter l’insertion économique et l’autre la lutte contre la pauvreté des femmes défavorisées. Le premier, le « Projet national karité », a pour objectif de soutenir les activités productrices des femmes. Plus de 16 milliards de F CFA (24,4 millions d’euros) de crédits ont été octroyés à 542 000 femmes. Pour participer à leur émancipation, ce programme a permis la construction de centres de promotion féminine. Quelque 17 000 femmes ont pu apprendre à lire, à écrire (en 1995, près de 84 % des femmes étaient analphabètes), et suivre une formation dans la production d’amandes de qualité. D’autres se sont initiées aux techniques de production du savon à base de karité. Au total, près de 20 000 femmes ont pu se regrouper en associations et se doter des équipements nécessaires à leurs activités professionnelles.

Le second chantier a pour objectif essentiel de lutter contre la pauvreté. Grâce au versement d’une partie des allocations du Fonds spécial de croissance économique et sociale et de réduction de la pauvreté, dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), certaines femmes ont pu gagner leur indépendance.
Malgré toutes ces initiatives, les mentalités doivent encore évoluer. Certes, légalement, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en 1979 par les Nations unies et ratifiée par le Burkina en 1993, leur garantit un statut égal à celui des hommes. Le code des personnes et de la famille, entré en vigueur en août 1990, protège les femmes en prônant la liberté de choix du conjoint, institue la monogamie, abolit le mariage forcé et instaure une part successorale au profit du conjoint survivant.

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Les notions de chef de famille et de puissance paternelle sont, elles aussi, abandonnées au profit de celles de gestion collégiale et d’autorité parentale conjointe. Enfin, le code du travail prône l’égalité salariale. Mais, dans les faits, ce dispositif juridique qui rejette toutes les formes de discrimination a encore peu d’impact sur le quotidien des femmes. Ainsi, à l’occasion de la 33e session du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui s’est tenu à New York en 2005, le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) a publié un rapport dans lequel il démontre que les femmes « demeurent, avec les enfants, les groupes les plus exposés à la pauvreté, aux violences, à la discrimination et à l’exclusion sociale ». Dans les zones rurales, le lévirat, qui oblige une veuve à épouser le frère du défunt, afin de poursuivre la lignée de ce dernier, est toujours pratiqué, tout comme le mariage précoce et forcé ou encore la mise sous tutelle des enfants mineurs au décès du père. Face à ces manquements à la loi, des associations de veuves et de défense des femmes uvrent pour leurs droits.
Le pouvoir lui-même, qui affiche une démarche volontariste pour l’émancipation des femmes, ne montre pas l’exemple. Avec 5 postes ministériels sur 34, le gouvernement est encore loin d’atteindre la parité, tout comme l’Assemblée nationale, qui ne compte que 13 femmes sur 111 élus, soit 11,7 %. C’est pourquoi la première dame du pays, Chantal Compaoré, s’est récemment prononcée officiellement pour l’instauration de quotas, comme au Niger voisin, où un quart des portefeuilles ministériels doivent obligatoirement revenir à des femmes.

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