[Tribune] Tunisie : ni islamisme, ni populisme

Le pays est-il condamné à un face-à-face mortifère entre tenants de l’islam politique et nostalgiques de l’ancien régime ? Une partie de la jeunesse veut croire à une troisième voie.

Une manifestation en Tunisie contre le gouvernement et la gestion de l’économie, en 2013 (photo d’illustration). © Amine Landoulsi/AP/SIPA

Une manifestation en Tunisie contre le gouvernement et la gestion de l’économie, en 2013 (photo d’illustration). © Amine Landoulsi/AP/SIPA

nessim ben gharbia © DR
  • Nessim Ben Gharbia

    Journaliste spécialisé en droit public.

  • Lotfi Hamadi

    Acteur associatif et culturel

  • et Amine Snoussi

    Essayiste, auteur de « La politique des Idées » (Centre national du livre), et militant pour la justice sociale et écologique.

Publié le 20 août 2020 Lecture : 3 minutes.

La République est un idéal, jamais un acquis. Pour que ce projet reste ancré en Tunisie, il faut combattre et faire la guerre à l’ensemble de ses détracteurs. Non pas la guerre des armes, mais celle des idées et des projets. « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir », disait Pierre Mendès France.

L’islamisme radical prôné par plusieurs partis tunisiens n’incarne pas ces valeurs. Nous nous devons de continuer de les affronter en offrant un projet de société juste, égalitaire, pluriel. À trois ans des élections générales, nous avons le temps, non pas d’espérer la venue d’un homme providentiel, mais de construire un projet de société qui permette à chacun qui se soumet aux lois de la République d’être protégé par la Constitution.

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Notre pays traverse l’une des plus graves crises économique et sociale de son histoire. Il doit plus que jamais reposer sur un socle, politique et économique, stable et équilibré. Sur le plan économique, nous observons toujours plus de marché noir, de corruption, de passe-droits qui empêchent de facto nos secteurs d’activité de se développer, d’embaucher, et in fine de réduire la précarité. Par ricochet, de plus en plus de concitoyens se retrouvent poussés vers l’informel, secteur qui ne protège que les intérêts de ceux qui s’engraissent pendant que le pays s’assèche.

Contre tous les conservatismes

Sur le plan politique nous ne pouvons céder le pays à ceux qui regrettent la dictature ou à ceux qui rêvent au retour du califat ! Le populisme n’a jamais incarné une solution viable aux problèmes structurels. Il est temps de mobiliser les citoyens qui croient en une Tunisie plurielle, ambitieuse, égalitaire, juste. Les citoyens ont compris que ce ne sont pas les indignes bagarres à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) entre députés qui importent mais bien les questions de fond sociales, économiques et environnementales.

Nous refusons également le remplacement d’un conservatisme religieux par un autre, politique et sociétal. Les valeurs du Parti destourien libre (PDL), présenté aujourd’hui comme la seule alternative à Ennahdha, ne sont pas les nôtres et ne le seront jamais. Comme les islamistes, le Parti destourien libre ne croit pas en la défense des minorités.

Comme les islamistes, le Parti destourien libre est un adepte de la censure et de la pression sur les artistes. Comme les islamistes, le Parti destourien libre ne croit pas en la primauté du droit et en la suprématie de la République. Comme les islamistes, le Parti destourien libre défend des valeurs rétrogrades, d’exclusion et d’oppression de la différence.

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Pour un projet républicain positif

L’opposition primaire et destructive ne suffit pas quand il s’agit de faire face à la pire crise politique économique et sociale que traverse le pays depuis son indépendance.

Au nom des valeurs scandées en janvier 2011 (liberté, dignité, égalité), au nom de la République que nous défendons, nous invitons l’ensemble des citoyennes et des citoyens soucieux de l’égalité, de la justice et du progrès à prendre le temps de réflexion nécessaire à l’avènement d’un projet républicain positif et à reléguer au second plan les clivages politiciens. Le combat que nous menons est bien plus grand.

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Nous ne pouvons laisser la Tunisie otage de conservateurs, qui ne croient ni en la République, ni en la démocratie. Nous ne voulons plus jamais avoir à choisir entre deux maux.

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