Jospin exécute Royal

Pour l’ex-Premier ministre socialiste, la candidate du parti à la dernière présidentielle n’est pas à la hauteur. Et ne le sera jamais.

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

« Les socialistes se sont laissé persuader de choisir comme candidate, sur une promesse de victoire, celle qui était la moins capable de gagner ; il ne faut pas que l’illusion se prolonge. » On a compris à ce seul exergue la véritable intention et le principal objectif du livre de Lionel Jospin intitulé éloquemment L’Impasse : il faut empêcher Ségolène Royal de revenir en grâce et en scène, et d’abord de s’emparer de la direction du Parti socialiste (PS).
Au terme d’un procès implacablement argumenté, il lui reproche moins de ne pas avoir gagné l’élection présidentielle – lui-même a connu la défaite – que de l’avoir perdue alors que la gauche avait enfin rendez-vous avec la victoire. Perdue par les insuffisances de sa préparation, la faiblesse de ses projets, les erreurs de sa campagne et les fautes de sa stratégie. Le verdict tombe comme un couperet : c’est « la fin de partie » pour la championne battue. Si elle devait de nouveau se faire désigner par les militants – modiquement recrutés via Internet à 20 euros l’adhésion -, ce serait une nouvelle fois l’impasse. C’est bien pourtant à ces mêmes militants que l’a aussitôt renvoyé Ségolène Royal. « La suite leur appartiendra », s’est-elle bornée à répliquer. Non sans remarquer avec une suave férocité à l’intention de celui qui s’était définitivement retiré de la politique après son échec de 2002 : « Moi, je continue. »
Ségolène Royal n’a ni les capacités politiques ni les qualités humaines pour relancer le PS et gagner l’élection présidentielle, écrit Lionel Jospin en introduction de son réquisitoire. Démonstration.

« Elle n’a pas hésité à opposer sans cesse le peuple et les élites. Rattaché au concept flou de démocratie participative, illustré par la proposition vague de jurys citoyens, ce thème n’a pas déplu. J’y ai vu quant à moi le signe d’une certaine infantilisation de la vie politique.
« Elle n’a pas présenté un bilan sérieux de la politique de la majorité sortante dont son adversaire, Nicolas Sarkozy, avait été un des principaux responsables. Elle a répliqué aux critiques ou attaques qui la touchaient personnellement. Mais elle n’a pas cherché à démonter la logique économique et politique sur laquelle s’appuyait Nicolas Sarkozy pour lui opposer une autre cohérence. Or il était difficile de battre le candidat de la droite sans s’affronter à lui sur le fond.
« Elle n’a pas présenté un projet présidentiel ni donné le sens général de sa campagne. Il était possible de défendre avec fermeté le bilan de notre gouvernement pendant la période 1997-2002, dont les socialistes restaient fiers. Elle n’a pas fait ce choix. Par hostilité à mon égard ? Je ne saurais le démêler. Plus profondément elle voulait, dans l’hypothèse de son succès, ne rien devoir à personne.
« Elle a donné souvent une impression d’improvisation sur des questions sensibles. Sur le Proche-Orient, elle a changé de position en passant la frontière d’un pays à l’autre. En Chine, la candeur de ses propos de touriste a sidéré l’opinion. Son entêtement à justifier l’étrange mot de bravitude était révélateur d’un caractère. Sur la question du nucléaire iranien, elle a choisi de s’enfermer dans une position intenable. Elle a consacré toute la première semaine du second tour à se livrer à un étrange pas de deux avec François Bayrou. Elle n’a finalement tiré aucun avantage de cette diversion politique.

la suite après cette publicité

« Elle a fondé toute sa campagne non pas sur des grands thèmes politiques mais sur elle-même et la relation particulière qu’elle était censée entretenir avec les Français. Nous avons tous vu les images où elle avançait le regard droit devant elle, plongée dans son propre rêve, enfermée dans une sorte de contemplation narcissique, s’offrant longuement, sans jamais les interrompre, aux ovations et aux applaudissements, comme dans une cérémonie d’adoration. Le supposé lien direct avec les Français n’a pas résisté à la confrontation électorale.
« Au soir de la défaite, loin d’être affectée, elle semblait exulter, triomphante. Question d’image comme toujours : il s’agissait de faire oublier la victoire promise et de transformer la défaite en succès. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires