Alain Viry

Président-directeur général de CFAO. Sous son impulsion, le leader français de la distribution d’automobiles et de médicaments en Afrique multiplie les nouvelles implantations, notamment en pays anglophones et au Maghreb. Il regarde maintenant du côté de

Publié le 15 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Vous venez de vous implanter au Vietnam pour distribuer les marques Volvo et Chevrolet. Cette première asiatique en appelle-t-elle d’autres ?
Alain Viry : Le Vietnam est un test. C’est un enjeu important pour le groupe, car il en va de notre crédibilité à opérer sur des marchés différents. L’histoire du Vietnam, c’est un peu comme le Kenya, qui fut notre première implantation hors zone historique de CFAO, en 2000. Nous avons pris notre temps et, aujourd’hui, c’est une réussite, que ce soit l’automobile ou la pharmacie. Le Vietnam offre un potentiel de croissance extrêmement intéressant sur cinq à dix ans. Pour le reste, nous envisageons éventuellement de prospecter dans un ou deux autres pays asiatiques. Je fais confiance aux capacités d’imagination et d’adaptabilité de CFAO.

Pourquoi avoir décidé de vous implanter en Asie ?
Cette décision s’inscrit dans la ligne de la stratégie de PPR : privilégier la croissance et la rentabilité. Les pays émergents recèlent un potentiel de croissance bien plus important que les pays développés. Il faut chercher cette croissance aujourd’hui, car, dans dix ans, il sera trop tard.

la suite après cette publicité

Et si vous développez vos activités en Asie, l’Afrique peut-elle en subir le contrecoup ?
La question ne se pose pas en ces termes. Les investissements dans la distribution sont relativement modestes. Ils sont principalement immobiliers et nous pouvons louer nos locaux, trouver des partenaires Tous nos investissements sont financés par CFAO, et c’est largement à notre mesure. Un éventuel développement en Asie ne remet pas en cause notre présence en Afrique.

Entre 1994 et 2006, le chiffre d’affaires du groupe CFAO est passé de 540 millions d’euros à 2,2 milliards. Parallèlement, vous affichez un taux de rentabilité opérationnelle supérieur à 8 %. Cette exigence de rentabilité n’est-elle pas à un frein à votre expansion ?
Non, CFAO est une entreprise comme une autre de ce point de vue. D’autres sociétés affichent les mêmes résultats. Ce chiffre est un indicateur de bonne gestion et de performance. Lorsque je suis arrivé à la tête de CFAO en mai 1997, l’entreprise n’était pas suffisamment attentive aux services à la clientèle. J’ai donc insisté sur la stratégie commerciale, car c’est la meilleure approche pour répondre aux questions d’organisation et de management. Il a fallu aussi investir dans les installations et les capacités humaines [370 millions d’euros depuis 1999, NDLR]. Durant cette phase de relance de 1997 à 2000, nous avons parallèlement prospecté de nouveaux marchés. Nous avons eu la chance de profiter de la croissance mondiale qui a rendu ces changements plus faciles. Au final, le marché africain progresse, mais nos parts de marché aussi, de cinq points, dans le secteur automobile.

À ceci près que la concurrence des distributeurs se fait de plus en plus vive et notamment en Afrique francophone, votre marché historique
Dans certains cas, des opérateurs économiques travaillent très bien, mais nous restons leader avec 40 % de parts de marché dans l’automobile sur l’ensemble de la zone francophone. Notre partenariat avec Toyota y a contribué [principale marque distribuée par CFAO, NDLR] et nos investissements nous ont permis de conforter, voire de développer, ce leadership. Il y a encore des parts de marché à gagner, y compris en zone francophone, et cela a été le cas depuis cinq ans. Sur la partie anglophone, où nous sommes implantés depuis les années 2000, nous représentons déjà plus de 15 % du marché avec une croissance du chiffre d’affaires de 138 % entre 2000 et 2006. Sur l’année 2006, nous avons vendu environ 40 000 véhicules sur le continent, soit une croissance de 10 % en moyenne annuelle depuis 2000. En Algérie et au Maroc, nous sommes également en très forte croissance. La présence panafricaine de CFAO nous permet de moins souffrir lorsqu’un pays traverse une passe difficile. Notre portefeuille est diversifié.

Justement, à propos du « risque-pays », en Afrique le risque est élevé, mais la rentabilité aussi !
Oui, car nous sommes sur des marchés de petite taille et volatils. Quand les risques d’évolution de marché sont forts, il faut une rentabilité élevée, car sinon il n’y a pas d’investissements. Une rentabilité plus faible est acceptée dans les pays qui offrent du volume.

la suite après cette publicité

Concernant votre stratégie commerciale, vous semblez privilégier le haut de gamme C’est une question de marge ?
Non, puisque le gros de nos ventes se fait avec des pick-up, qui représentent entre 40 % et 50 % des volumes en Afrique subsaharienne. Nous distribuons également la Logan au Nigeria et au Ghana, avec un certain succès. En fait, nous cherchons à couvrir tous les segments du marché. Cela va du low-cost au premium, du véhicule industriel lourd à l’utilitaire léger.

Concernant le low-cost, croyez-vous en ce produit pour l’ensemble du continent ?
Premièrement, les produits de qualité à 4 000 ou 5 000 euros ne sont pas encore sur le marché. Or ce prix plancher est nécessaire pour concurrencer l’occasion. La Logan se situe au-dessus. Deuxièmement, pour que la voiture soit low-cost pour le consommateur, il faudrait une baisse drastique des droits de douane, ce qui pose un problème de ressources fiscales pour les États.

la suite après cette publicité

Misez-vous malgré tout sur Renault et sa prochaine usine de Tanger pour développer cette gamme de véhicules ?
Il n’y a pas que Renault, Toyota travaille également sur un modèle low-cost. Quant au projet de Tanger, il faut voir comment la Logan fabriquée au Maroc sera positionnée sur le continent.

Si à terme le marché africain de l’automobile se développe fortement, ne craignez-vous pas que les constructeurs installent leurs propres réseaux de vente ?
À cinq ou dix ans, je ne vois pas ce cas de figure se profiler. La taille du marché africain par rapport à d’autres zones émergentes ne le justifie pas.

La distribution pharmaceutique représente déjà 30 % de l’activité de CFAO. Vous cherchez de nouvelles implantations comme l’Angola, et le marché du médicament est en progression. Misez-vous également sur le générique ?
Pour distribuer un produit pharmaceutique, il faut qu’il soit autorisé par chacun des pays. Ce travail long, coûteux et répétitif n’a pas été fait par bon nombre de fabricants de génériques. Deuxième problème, les pays ont du mal à mettre en place des mécanismes de contrôle pour s’assurer de la qualité et de la traçabilité des importations en provenance notamment d’Inde et de Chine. La situation est confuse.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires