Vive la reine !

Pour la première fois, une femme a été portée à la tête d’une tribu. Comme quoi tradition ne rime pas toujours avec immobilisme.

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

« La femme porte la nation. » Si l’on pouvait douter de son réalisme, ce proverbe botswanais n’est désormais plus utopique. Mosadi Seboko est devenue, le 30 août dernier, la première femme à être intronisée reine d’une tribu, celle des Baletes en l’occurrence. Cette citoyenne botswanaise occupait un poste à responsabilités dans une banque du pays et élevait seule ses quatre enfants. Une vie somme toute assez banale, qui a pris une tournure inédite. Bien que fille et soeur de rois, elle n’était a priori pas destinée à leur succéder, la tradition voulant que seul un héritier mâle puisse assumer une telle fonction. Pis encore, les femmes n’étaient jusque-là pas même autorisées à siéger aux kgotla, les « conseils de village ».
Et il aura fallu près de deux ans pour que Mosadi soit définitivement intronisée, après que les anciens de la tribu l’eurent élue, le 3 décembre 2001. Kgosi Seboko, son frère, qui avait lui-même assuré la succession du père, comme le veut la tradition, était décédé quelques mois auparavant, sans descendance. La tribu balete s’est alors retrouvée dans une situation inédite. Le conseil des anciens devait-il confier la couronne à une femme, « libérée » qui plus est, ou à un oncle du défunt ? Dans cette ethnie comptant 30 000 membres installés au sud-est du pays, les voix s’élevant pour remettre en question la légitimité de Mosadi n’ont pas manqué, provoquant le report de son couronnement.
Aujourd’hui, le choix semble définitivement validé. Le 30 août, à Ramotswa, à 30 kilomètres au sud de Gaborone, la capitale, lorsque la nouvelle reine recouvre son tailleur de soie rose de femme d’affaires d’une peau de léopard témoignant de son autorité, l’assistance ne manifeste plus aucun doute. Elle exulte même, fière d’avoir été capable de porter une femme à sa tête. Un des oncles de la nouvelle reine estime publiquement qu’elle est « née pour être chef : calme, attentionnée et intelligente ». Un autre de ses oncles, qui lui remet la lance et le bouclier traditionnels, lui recommande de ne pas se servir de ses armes, et de « préférer la discussion pour combattre ».
Signe de modernité, Mosadi a reçu, en plus de la traditionnelle vache, un pick-up tout-terrain, dont le plateau arrière était rempli de matériel électroménager et informatique. Des présents aussi inhabituels que la liesse entourant la nouvelle reine. Cet enthousiasme a même conduit le ministre botswanais du Gouvernement local, Michael Tshipinare, à féliciter le conseil des sages pour ce choix progressiste.
Pour beaucoup d’observateurs, l’intronisation d’une femme à la tête d’une tribu est le signe d’une évolution positive de la société botswanaise. Laquelle, rongée par le sida, a bien besoin de bonnes nouvelles. Pour Justice Athaliah Molokomme, activiste de la cause féminine et juge à la Cour suprême, le choix du conseil des sages en faveur de Mosadi signifie que les différents groupes ethniques botswanais ont su s’adapter aux changements socio-économiques que le pays a connus depuis son indépendance. Et que, contrairement aux idées reçues, tradition ne rime pas toujours avec immobilisme. D’ailleurs, juste après la bénédiction traditionnelle par les représentants de l’Église, la reine Mosadi Seboko a, dans son discours, exprimé son désir d’innover, en luttant notamment contre le chômage, le sida et les violences domestiques.
Des charges qui s’ajoutent à celles dont elle a hérité, et qui consistent à surveiller et gérer les terres sur son territoire, par exemple, mais aussi à rendre des jugements au sein du tribunal local de la cour coutumière, qui traite près de 80 % des affaires civiles et criminelles nationales. Enfin, elle siégera désormais à la « House of Chiefs », la deuxième Chambre du pays dont le rôle est de conseiller le gouvernement et le Parlement sur les questions tribales. Une Chambre dont elle a d’ailleurs été désignée présidente.

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