Sortir de l’urgence

Une fois pansées les plaies du génocide, le pays doit miser sur le développement durable.

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Neuf ans après le génocide, la situation économique du Rwanda semble satisfaisante. Malgré le délabrement de l’outil économique consécutif au génocide de 1994, Kigali enregistre un taux de croissance de 9,9 % en 2002… ainsi que les félicitations des bailleurs de fonds. Malgré ses handicaps structurels – surendettement, surpopulation et absence de ressources naturelles -, le pays a donc su rebondir. Et même retrouver ses performances d’avant-guerre, quelques années à peine après avoir vu son PIB plonger de 50 %, en 1995. C’est indéniablement l’une des grandes réussites du président Kagamé, même si, jusqu’à maintenant, la population n’a pas récolté tous les fruits qu’elle est en droit d’attendre de cette croissance.
Pour de nombreux observateurs, c’est maintenant que le plus dur va commencer. « Relancer une économie au sortir de la guerre n’est pas difficile puisque tout est à reconstruire. Il faut ensuite soutenir la croissance et l’activité », confie un expert économique.
En résumé, le pays doit sortir d’une situation d’urgence pour entrer dans une phase de développement. Si le Rwanda a effectivement enregistré entre 1995 et 2000 des taux de croissance à faire pâlir d’envie certains pays occidentaux – 6 % en moyenne -, il le doit essentiellement au secteur de la construction et au développement à outrance de l’agriculture vivrière. Maintenant que la classe dirigeante a fini de se faire bâtir des villas et qu’il n’y a plus de terre à valoriser, l’heure de la diversification a sonné.
Reste que la structure du PIB n’offre pas, à l’heure actuelle, beaucoup d’opportunités. Composé à 44 % par le secteur primaire, le PIB a profité en 2002 de la bonne santé de l’agriculture, due à d’excellentes conditions climatiques. Mais avec la poussée démographique enregistrée ces dernières années (+ 3 % par an), cette dépendance à l’égard des cultures de subsistance risque de limiter l’expansion économique du pays. Et ce n’est pas le secteur industriel, encore embryonnaire, ou celui des services, tout juste renaissant, qui peuvent aujourd’hui engager l’économie sur une nouvelle voie. Tout le travail du gouvernement, dès les prochains mois, va donc consister à mettre en place les cadres législatifs et réglementaires susceptibles d’accompagner l’expansion de nouveaux secteurs (tourisme, énergie, transports) ou d’en relancer d’autres, minés par les conséquences du génocide (mines, agro-industrie). Vaste chantier en perspective.
Mais en décidant d’adopter dès 1994 une économie libéralisée, les Rwandais ont su s’attirer les bonnes grâce des institutions financières internationales, qui, depuis, ne ménagent pas leur soutien au pays. L’aide internationale représente aujourd’hui 46 % du budget de l’État et plus de 90 % de ses investissements. En élève appliqué, le Rwanda a donc cherché à contrôler ses dépenses budgétaires et son taux d’inflation. Avec succès jusqu’en 2001, notamment pour les rentrées fiscales (en hausse continue depuis 1995), avant que l’exercice 2002 ne présente un léger dérapage. Le déficit budgétaire a atteint 11 % du PIB, en raison du financement des opérations électorales de 2003, pendant que l’inflation grimpait à 6,2 % – deux fois plus que la barre des 3 % imposée par le Fonds monétaire international (FMI) – pour cause de mauvaise pluviosité en 2001. Ce qui prouve la fragilité du pays. Cette brusque remontée de l’inflation, provoquée également par la hausse des taxes sur certains produits importés et les carburants, a donc provoqué de graves fluctuations monétaires. En 2002, le franc rwandais s’est déprécié de 12 % par rapport au dollar. Le pouvoir d’achat des ménages en a fortement pâti. Pas facile, dans ces conditions, de lutter contre la pauvreté d’une population qui vit pour 64 % avec moins de 1 dollar par jour. « C’est vrai que le pays a retrouvé un niveau de performances économiques comparable à celui de 1990, mais les habitants n’en tirent pas de bénéfices directs », reconnaît-on au ministère des Finances. D’après les statistiques officielles, le PIB par habitant s’élevait à 227 dollars en 2002, contre 285 en 1992.
Heureusement que le pays a été déclaré éligible à l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés) en décembre 2000. Cela lui a permis de bénéficier d’un traitement avantageux de sa dette multilatérale. À la fin de cette année, le Rwanda devrait atteindre le point d’achèvement de l’initiative et voir sa dette passer de 1,4 milliard de dollars (soit 86 % du PIB) à moins de 500 millions de dollars. Il doit pour cela passer devant les bailleurs de fonds en octobre prochain, sans avoir la certitude de satisfaire à tous les critères imposés. De cette décision dépend l’avenir économique du pays.

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