SORO, rebelle mais pas trop

Publié le 16 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Où était Guillaume Kigbafori Soro au petit matin du 19 septembre 2002 ? Le maniement des armes n’est pas son affaire, et il a dû attendre que le bruit des fusils s’apaise pour prendre la parole. En cela, il est expert. Ce n’est donc que le 14 octobre qu’il s’est dévoilé secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), groupe encore largement inconnu, mais militairement capable de consacrer, par les armes, la partition de la Côte d’Ivoire entre zones Nord et Sud, cela en dépit de l’échec du coup de force d’Abidjan, destiné à renverser le président Laurent Gbagbo. Certains disent qu’il est le deus ex machina de toute l’opération, d’autres en doutent et le voient manipulé par d’autres forces, restées dans l’ombre.
Quoi qu’il en soit, en un an, l’ancien leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) a fait un parcours sans faute. Il est passé de l’obscurité où il était tombé après les élections législatives de 2000 – il était colistier d’Henriette Diabaté (Rassemblement des républicains, RDR) – au poste très en vue de ministre d’État, avec le portefeuille de la Communication. Dans l’intervalle, il est parvenu à mettre Laurent Gbagbo au pied du mur, c’est-à-dire non seulement à l’obliger à signer un accord de paix, mais aussi à inclure neuf membres du MPCI dans un gouvernement de réconciliation et d’unité nationale, sous peine de perdre toute crédibilité face à la communauté internationale. Dans le même temps, il hisse le MPCI du rang de faction rebelle à celui de mouvement politique, sous le nom de Forces nouvelles.
Mais la vie publique n’est pas un long fleuve tranquille. Guillaume Soro l’apprend rapidement à ses dépens. Passée l’euphorie des grandes réunions de la communauté internationale, la mise en place des décisions prises à Marcoussis se révèle difficile, et les deux ministères promis, la Défense et la Sécurité, restent hors d’atteinte pour ceux que la rue d’Abidjan nomme toujours « les rebelles ». Pourtant, le secrétaire général les avait brandis comme des trophées devant la population du Nord réunie dans les stades, lors d’une série de meetings qui l’ont conduit jusqu’à Danané, à l’extrême ouest du pays, en février 2003. Quoi de pire, pour un politicien, que de décevoir sa base, voire de perdre son appui ? Surtout s’il est membre d’un tout jeune parti et qu’il « chasse » dans le fief traditionnel d’Alassane Ouattara, leader du RDR.
Il lui faut aussi gérer les mouvements de colère d’une opposition parfois radicale, alors que le contexte ne lui permet plus de se retrancher derrière ses camarades en armes. Le 27 juin, il est l’objet d’une violente attaque alors qu’il est en visite à la Radiotélévision ivoirienne (RTI). Trois mois plus tard, l’affaire n’est toujours pas tirée au clair. À l’intransigeance du ministre réclamant des sanctions a répondu la force d’inertie d’une administration secrètement hostile. Ainsi se pose le problème de l’étendue des pouvoirs des ministres, lesquels s’estiment trop mollement soutenus par le Comité de suivi de l’application des accords de Marcoussis, organe dirigé par le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Albert Tévoédjrè.
Dans ses moments de mécontentement, Guillaume Soro considère que le processus de réconciliation est dans l’impasse et que la mise en oeuvre des accords de Marcoussis est bloquée. Mais seul son entourage prononce le mot de « déception ». La politique est un jeu de longue haleine, et l’homme de Ferkessédougou, jolie ville du grand nord de la Côte d’Ivoire, qui s’y attelle aujourd’hui à un niveau national n’a que 31 ans.

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