OUATTARA, insubmersible

Publié le 16 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Lorsque, le 27 novembre 2002, Alassane Ouattara et son épouse Dominique quittent la résidence de l’ambassadeur de France à Abidjan pour Libreville, le soulagement est général. Pour le couple, bien sûr, qui vient de connaître sans doute l’une des expériences les plus traumatisantes de sa vie, mais aussi pour la France et pour le pouvoir en place à Abidjan qui avait demandé sa protection. Plus de deux mois durant, les Ouattara ont élu domicile dans les locaux consulaires français, leur villa de Cocody ayant été attaquée et incendiée dès les premières heures de l’insurrection armée du 19 septembre. C’est depuis cet « exil intérieur » que le chef de file du Rassemblement des républicains (RDR) suit l’évolution d’une crise dont certains, autoproclamés patriotes, le rendent responsable.
Seul outil dont dispose Ouattara : le téléphone. Les échos lui parviennent quotidiennement de l’enlèvement, la disparition, la mort de tel ou tel militant « républicain ». Il dort peu, essaie d’organiser la vie du parti, discute avec ses camarades, élabore avec eux communiqués et prises de position, s’entretient avec quelques chefs d’État, notamment le Sénégalais Abdoulaye Wade et le Nigérian Olusegun Obasanjo. Dénonce la fuite en avant militariste qui, à ses yeux, ne fait que compliquer davantage une situation déjà confuse. S’accroche à l’idée d’une solution politique de sortie de crise. Lance en décembre l’appel de Libreville pour appuyer cette démarche, rencontre à Dakar Abdoulaye Wade, alors président en exercice de la CEDEAO.
Ceux qui, notamment au sein du régime, nourrissaient l’espoir de le voir marginalisé à l’occasion de cette énième crise en sont pour leurs frais. Ainsi en ira-t-il de la rencontre des formations politiques, le 12 décembre 2002 à Abidjan, qui avait pour but, à en croire nombre de proches de Ouattara, de leur faire signer un document exonérant le pouvoir de toute responsabilité dans l’avènement de la crise. Suggérée par Gbagbo et parrainée par le président Eyadéma, l’opération fait long feu. Le cadre « républicain » qui a paraphé le texte, Koné Tiémoko, est publiquement désavoué par ses camarades de la direction. Et quand, à la mi-janvier 2003, s’ouvre la table ronde de Marcoussis, l’ancien Premier ministre d’Houphouët-Boigny fait son paquetage et prend la tête de la délégation du RDR. Il est plus que jamais dans la course, même si l’épreuve de l’exil intérieur l’a amené à réfléchir davantage à son propre destin politique.
Quoi qu’il en soit, Ouattara n’a pas ménagé ses efforts pour la mise en oeuvre des accords de Marcoussis. On lui reconnaît ainsi un rôle non négligeable dans les négociations du 8 mars à Accra qui ont permis au gouvernement de réconciliation nationale de voir le jour. Et il n’a cessé, depuis, de rappeler à ses interlocuteurs français ou de la CEDEAO, au secrétaire général de l’ONU ou au Comité de suivi – et a fortiori à ses camarades membres de l’équipe du Premier ministre Seydou Elimane Diarra – la nécessité de rester vigilant. Parce qu’il est persuadé que, sans Marcoussis, la porte est ouverte à toutes les aventures. Alors qu’avec l’application des accords signés en France tout espoir est permis, y compris pour lui dans la perspective de l’élection présidentielle d’octobre 2005.

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