Opération séduction

Pour diversifier ses activités, le secteur privé a besoin du concours d’opérateurs économiques étrangers. Reste à les convaincre.

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

«Le Rwanda rêve d’un développement à l’indienne », constate cet économiste de Kigali. Souvent cité en exemple, à l’instar de l’île Maurice ou des Dragons asiatiques, le modèle indien cristallise aujourd’hui les espoirs au pays des Mille Collines. Et l’on se prend à rêver de nouvelles activités qui feraient du pays la future plate-forme d’échanges économiques pour toute la sous-région. Les réalités historiques ou géographiques diffèrent pourtant beaucoup entre le géant d’Asie et le Petit Poucet des Grands Lacs. Leurs potentiels humain, technologique et financier sont difficilement comparables. Mais l’exemple inspire les Rwandais, qui se sont fixé pour objectif d’appliquer les recettes qui ont fait le succès des pays asiatiques. Fidèle à son credo libéral, le gouvernement souhaite s’appuyer sur l’investissement privé pour mobiliser les capitaux nécessaires à la reconstruction. Jusqu’à présent, les flux investis franchissent difficilement le seuil de 10 % du PIB – soit une centaine de millions de dollars par an – et ne constituent pas une alternative crédible aux budgets publics. « Les monopoles d’État ont empêché l’émergence d’opérateurs privés capables aujourd’hui de soutenir la croissance économique du pays », estime-t-on au ministère des Finances et de la Planification économique. L’enjeu consiste donc, pour l’administration, à mettre en place les mécanismes nécessaires à l’éclosion de ce secteur privé, aujourd’hui encore embryonnaire.
C’est dans cette optique qu’a été créée en 2000 la Fédération rwandaise du secteur privé (FRSP). Cet organisme, qui regroupe vingt-trois associations sectorielles (industrie, banque, BTP, agriculture, etc.), a pour but de regrouper les investisseurs rwandais et de défendre leurs intérêts auprès du gouvernement. « Depuis 2002, nous travaillons avec l’État pour définir un meilleur cadre économique », explique Bart Gasana, secrétaire exécutif du FRSP. Première revendication de la Fédération, la mise en place d’une législation de soutien à l’investissement. Avant la fin 2003, les lois datant de 1988 pour les sociétés commerciales et de 1996 pour l’investissement privé devraient subir un important lifting. La pression fiscale, jugée très lourde par les entreprises, est également dans la ligne de mire : « Nous ne refusons pas de payer des impôts, poursuit Bart Gasana, mais nous payons trop de taxes indirectes. L’administration fiscale doit être complètement réorganisée. » Pour appuyer sa démarche, la Fédération compte un allié de choix avec l’Office rwandais pour la promotion des investissements (ORPI), qui, depuis sa création en 2000, gère le guichet unique des formalités et veille à la mise en place et aux orientations du code des investissements. Institution publique, l’Office travaille sur le dossier des investissements étrangers, quasiment absents de l’économie rwandaise. En 2002, le pays n’a attiré que 5 millions de dollars, soit moins de 0,4 % du PIB. Une goutte d’eau.
La principale mission de l’ORPI consiste donc à promouvoir le pays à l’étranger et « à mettre en avant les opportunités d’investissements dans le cadre des privatisations », souligne son directeur général, Williams Nkurunziza. C’est la raison pour laquelle a été organisée en mai dernier à Kigali la première conférence sur l’investissement. Dans le même ordre d’idée, l’Office a entrepris d’ouvrir des agences de promotion à l’extérieur du pays. Une première a été installée à Shanghai en avril dernier ; d’autres devraient suivre en Amérique du Nord avant la fin de cette année. Enfin, le grand chantier du moment porte sur la création d’une zone franche dans la capitale, à proximité de l’aéroport. Deux entreprises, l’une chinoise, l’autre allemande, sont déjà en cours d’installation alors que quatre sociétés rwandaises ont manifesté leur intérêt. « Voilà le type de structures qui devrait favoriser la diversification de notre économie », note Williams Nkurunziza.
Ce n’est qu’un début. Le Rwanda ambitionne de jouer la carte des services et compte attirer toujours plus d’investisseurs en s’appuyant sur son multilinguisme, sa sécurité intérieure et ses équipements en devenir. « Nous sommes au centre de l’Afrique, entre les sphères francophone et anglophone, avec un marché potentiel de 50 millions de personnes à notre porte », souligne Williams Nkurunziza. L’Orpi compte donc sur le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) pour mobiliser les fonds nécessaires à la réalisation des infrastructures qui lui manquent encore. Le Rwanda deviendrait à terme un carrefour dédié aux services financiers, au transit de marchandises, aux nouvelles technologies de la communication et au tourisme. Le chemin risque d’être encore long… Mais Bangalore ou Port-Louis n’ont pas construit leur succès en un jour.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires