Michel Roussin

Vice-président Afrique du groupe Bolloré

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ya-t-il une vie après la politique ? Pour Michel Roussin, 64 ans, la réponse est oui. L’ancien ministre français de la Coopération (1993-1994) a payé très cher son soutien à Édouard Balladur lors de la présidentielle de 1995. Mais, depuis, l’ancien officier de gendarmerie s’est reconverti dans les affaires. Aujourd’hui, en tant que chef du comité Afrique du patronat français (MEDEF) et vice-président Afrique du groupe Bolloré, il est plus que jamais un homme d’influence en Côte d’Ivoire.

Jeune Afrique L’intelligent : Comment le pays de Félix Houphouët-Boigny a-t-il pu en arriver là ?
Michel Roussin : Le président Houphouët savait répartir les responsabilités et partager le pouvoir. Ses successeurs n’ont peut-être pas eu la force de caractère et le sens politique nécessaires pour résister aux pressions de leur entourage. Mais, aujourd’hui, le président Gbagbo paraît tenir compte de l’héritage d’Houphouët en pratiquant une politique d’ouverture. Marcoussis n’est certes pas la solution idéale, mais cet accord est le catalyseur d’un dialogue entre les Ivoiriens. On est passé à côté du pire, et je crois que la situation commence à se normaliser.
J.A.I. : Les socialistes français reprochent au gouvernement de Jacques Chirac d’être trop directif en Côte d’Ivoire…
M.R. : Je ne fais plus de politique, car je ne suis plus un homme politique. Je m’exprime en tant que chef d’entreprise et président du Comité Afrique du MEDEF International. Simplement, je pense que les héritiers de la pensée gaulliste entretiennent avec l’Afrique une relation plus étroite que beaucoup de socialistes – pas tous heureusement -, pour qui ce continent est trop complexe, trop entouré de mystère et d’intérêts pétroliers. J’estime que les ministres du gouvernement actuel s’intéressent à l’Afrique et y sont présents, ce qui n’a pas toujours été le cas avec les équipes ministérielles précédentes.
J.A.I. : Beaucoup d’entreprises françaises ont-elles fermé depuis un an en Côte d’Ivoire ?
M.R. : Non. Il est vrai qu’une soixantaine de petites ou moyennes entreprises à capitaux français ou filiales de sociétés françaises n’ont pas tenu le coup et ont dû fermer, notamment dans les services. Mais il y a encore près de deux cents entreprises qui poursuivent leurs activités et réalisent les deux tiers des investissements étrangers en Côte d’Ivoire. La moitié des recettes fiscales du pays viennent de leurs impôts. Cela dit, si le harcèlement fiscal se poursuit, si elles continuent de subir trois ou quatre redressements fiscaux par an, plusieurs d’entre elles décrocheront, et la ressource fiscale se tarira d’elle-même. L’État ivoirien ne doit pas tuer la poule aux oeufs d’or.
J.A.I. : Les patrons français ne monopolisent-ils pas le marché des privatisations en Côte d’Ivoire, comme l’affirme Simone Gbagbo ?
M.R. : Pas du tout. Les entreprises françaises concourent dans le cadre d’appels d’offres internationaux. Si elles gagnent, c’est qu’elles sont les meilleures. Il n’y a aucune tendance monopolistique de la part des patrons français.
J.A.I. : N’avez-vous pas été recruté par le groupe Bolloré parce que vous avez été ministre et avez gardé des amitiés politiques ?
M.R. : Non. Je pense que j’ai été engagé parce que je suis un bon connaisseur de l’Afrique et que j’ai un savoir-faire commercial. Il n’y a pas de confusion des genres.
J.A.I. : Le groupe Bolloré envisage-t-il de se désengager de Côte d’Ivoire ?
M.R. : Non. Nous avons pris la crise ivoirienne de plein fouet, mais nous avons tenu le coup, et je n’imagine pas que notre groupe démonte son dispositif. En Côte d’Ivoire, nous employons 5 830 personnes, dont seulement 173 expatriés. Néanmoins, depuis un an, nous avons perdu 5 milliards de F CFA dans le chemin de fer Abidjan-Ouagadougou. Dès mars dernier, j’ai donc écrit à toutes les autorités politiques concernées en Afrique et en France, ainsi qu’aux bailleurs de fonds. Je leur ai dit que si rien n’était fait dans les semaines à venir, nous ne pourrions plus faire tourner une société de transport ferroviaire (la Sitarail) dont les trains sont à l’arrêt aux deux terminus ! Depuis le 10 septembre, la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso est rouverte. J’en suis ravi et j’espère que nous pourrons reprendre très vite le transport de fret.

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