Leni Riefenstahl

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Géniale et controversée, la réalisatrice et photographe allemande Leni Riefenstahl est à l’image du siècle qu’elle a traversé de part en part. Décédée le 8 septembre 2003 à l’âge de 101 ans dans sa maison de Pöcking, au sud de Munich, elle n’a cessé de célébrer la beauté, bâtissant une oeuvre exceptionnelle, durablement entachée par sa collaboration avec le régime nazi d’Adolf Hitler.

Née le 22 août 1902 à Berlin, Helena Amalia Bertha Riefenstahl a commencé par être danseuse, malgré l’interdit d’un père despotique. Pourtant, engagée à l’école de danse moderne de Dresde, elle ne deviendra pas danseuse étoile. En cause : une blessure au ménisque. Mais elle a de la ressource. Le cinéma l’accueille dans les films d’alpinisme d’Arnold Franck, où elle prend tous les risques inhérents aux tournages en montagne. Elle est déjà célèbre, en 1932, quand elle entreprend de tourner son premier long-métrage, La Lumière bleue. Sans doute pas un chef-d’oeuvre, mais le film séduit Adolf Hitler. Qui la connaît de nom : elle lui a écrit son admiration en février 1932. Ils se rencontrent à Horumersiel, près de Willemshaven, au bord de la mer du Nord. On ne saura pas grand-chose de ce qui s’est passé entre eux, si ce n’est ce qu’elle a bien voulu en dire dans ses Mémoires – et notamment qu’Adolf était « bien trop moche pour elle ».
Il n’empêche. Hitler lui commande un film et elle tourne La Victoire de la foi, sur le congrès du Parti nazi à Nuremberg. Un échec. Mais elle recommence l’expérience en 1934 avec Le Triomphe de la volonté, chef-d’oeuvre cinématographique au service de la propagande hitlérienne. Puis ce sera Olympia ou les dieux du stade, sur les jeux Olympiques de 1936, à Berlin, au cours desquels l’Africain-Américain Jesse Owens remporta le 100 mètres, le 200 mètres et l’épreuve de saut en longueur, au grand dam du Führer. Le film est couronné par la coupe Mussolini à la Mostra de Venise.

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Pendant la guerre, Leni épouse le colonel Peter Jacob, officie un temps comme correspondante sur le front et tourne Tiefland – pour lequel elle sera accusée d’avoir utilisé des Tziganes prisonniers de camps de concentration.
L’après-guerre est difficile : compromise avec le régime nazi, elle exhale une odeur de soufre. Toutes ses tentatives pour tourner de nouveaux films échouent.
La renaissance viendra de la photographie. Émerveillée par la lecture des Vertes Collines d’Afrique, d’Ernest Hemingway, et par les photos des guerriers noubas de George Rodgers, elle se rend en 1963 en pays masaï. Puis chez les Noubas, au Soudan, avec une équipe scientifique allemande. Elle a troqué la caméra pour un Leica et trois lentilles de 35, 50 et 90 mm, et multiplie les reportages, au plus près des corps. Renversée par un guerrier lors d’une danse traditionnelle, elle se fracture le thorax.
Retour en grâce : elle a 72 ans quand paraît The Last of the Nuba en 1974, et 75 ans quand paraît The People of Kau. Superbes, ses photos lui valent de nouvelles critiques : tentative désespérée de s’amender ? Célébration douteuse des corps virils ? L’oeuvre de l’artiste est systématiquement passée au crible de son histoire.

Infatigable, Leni Riefenstahl découvre à la fin des années 1970 un nouveau monde, celui des fonds sous-marins. Pendant trente ans, elle va chausser ses palmes et plonger dans toutes les mers du monde pour y filmer la danse des poissons.
Ultime pied de nez au destin : en 2000, alors qu’elle se rend à nouveau chez les Noubas, son hélicoptère s’écrase en pleine brousse. Le pilote est tué, mais elle s’en tire avec des éclats de côtes dans les poumons, à 98 ans. Deux ans plus tard, aucun journal ne fera l’impasse sur son centième anniversaire (J.A.I. n° 2189-2190). Comme le siècle, Leni Riefenstahl a fait le grand écart entre la beauté et l’horreur.

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