L’effet Khalifa

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Au-delà des problèmes qu’il pourrait rencontrer avec les élus du Front de libération nationale (FLN), notamment à la Chambre basse du Parlement, où le parti détient la majorité des sièges (voir pp. 32-34), le président Abdelaziz Bouteflika doit soumettre aux instances législatives une douzaine de textes pour adoption. Parmi ces projets : une réforme de la loi sur la monnaie et le crédit. Conséquence directe du scandale financier lié à la banqueroute de l’empire d’Abdelmoumen Khalifa, la réforme que préconise Boutef consiste en un renforcement des missions de la Banque d’Algérie (BA) avec la création en son sein d’un instrument de contrôle du marché des changes. La réforme en cours contient une meilleure définition des relations entre la BA et le gouvernement, l’exécutif devant reprendre la gestion des réserves de change, jusque-là dévolue à l’institution financière centrale.
La présentation du projet de texte à la commission des Finances de la Chambre basse par Abdelatif Benachenhou, le grand argentier du pays, a été l’occasion d’en savoir un peu plus sur le crash d’Al Khalifa Bank. Le ministre des Finances a confirmé ce qui n’était alors que des spéculations de la presse. La faillite de l’institution financière privée coûtera au Trésor public la bagatelle de 135 milliards de dinars (plus de 1,5 milliard d’euros). De quoi construire, selon Benachenhou, 2 033 écoles primaires et 1 000 lycées. Cette somme aurait aussi largement financé les 1 200 kilomètres de l’autoroute Est-Ouest, projet en souffrance depuis des lustres.

Le ministre des Finances a mis en relief les dysfonctionnements de la Commission bancaire, structure sous la tutelle du gouverneur de la BA, qui, « deux mois après le début de l’affaire Khalifa, a continué d’opérer. La responsabilité incombe directement à la BA et non pas au président de la République. » Pourquoi citer Boutef ? Parce que le nom du chef de l’État a été régulièrement évoqué dans ce scandale sans qu’il y ait eu de démenti. C’est donc la première réaction de la présidence par la voix d’un ministre réputé proche d’el-Mouradia. Cela pour l’accessoire, car l’essentiel de cette déclaration est ailleurs.
C’est la première fois, en effet, que la question de la responsabilité dans le scandale financier est clairement abordée. Et c’est le ministre des Finances lui-même qui y répond : « La responsabilité incombe directement à la Banque d’Algérie. » En d’autres termes, à l’État. Ce qui change tout. Dès lors que la défaillance ne relève pas uniquement de la banque en faillite mais également de la BA, les déposants, quel que soit le montant de leur dépôt, doivent être indemnisés. De même que tous les créanciers d’Al Khalifa Bank. Tenant compte de la loi en vigueur, le liquidateur, basé à Chéraga, dans la banlieue d’Alger, n’avait promis de rembourser que les petits épargnants à hauteur de 600 000 dinars (7 500 euros) en fonction de la loi sur la monnaie et le crédit qui régit la garantie des dépôts en cas de faillite frauduleuse. Mais si la responsabilité de l’autorité monétaire est engagée, la limite des 600 000 dinars est caduque. L’ensemble des déposants et les créanciers d’Al Khalifa Bank sont donc en droit de demander des indemnités au Trésor public. Au lendemain de la déclaration du ministre des Finances, le liquidateur d’Al Khalifa Bank a invité l’ensemble des déposants à se faire connaître auprès de ses services. Quant aux créanciers, pour la plupart étrangers, un délai leur a été accordé jusqu’au 31 octobre 2003 pour remplir un formulaire détaillant la nature des créances renvoyées exclusivement par voie postale à l’adresse du liquidateur. Du boulot en perspective pour le facteur de Chéraga !

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