L’Afrique érigée en exemple

Contrairement aux idées reçues, les séropositifs des pays en développement témoignent d’un plus grand sérieux que les Américains dans la prise de leurs médicaments.

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

L’évidence semble s’imposer : les malades ont une meilleure adhérence aux traitements en Afrique qu’aux États-Unis. Pourtant, des préjugés tenaces contre la capacité et la volonté des Africains à suivre correctement des traitements médicaux ont longtemps nui aux campagnes en faveur de fourniture de trithérapies en Afrique, pour lutter contre le sida. Ainsi, en 2001, la déclaration du directeur de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) avait provoqué un tollé. Selon lui, les traitements ne « fonctionneraient pas » sur le continent, parce que beaucoup d’Africains n’utilisent pas de montres et « ne savent pas ce qu’est l’heure occidentale ».
Des médecins, des hommes politiques et des responsables de l’industrie pharmaceutique soutenaient qu’il n’était pas raisonnable d’envoyer des antirétroviraux (ARV) en Afrique, de peur qu’une prise incomplète ou irrégulière n’accélère les mutations en souches résistantes aux médicaments, qui pourraient ensuite se propager dans le monde entier. Un danger déjà présent : presque 10 % des infections au VIH en Europe résistent au moins à un traitement.
Des études menées au Botswana, en Ouganda, au Sénégal et en Afrique du Sud ont toutefois prouvé que les malades n’y étaient pas moins sérieux qu’ailleurs. Les séropositifs y prennent, dans 90 % des cas, les traitements prescrits. Aux États-Unis, la proportion tombe à 70 %, et elle est encore plus faible dans certains groupes, comme les sans-abris ou les toxicomanes.
Quant aux résistances, elles sont de toute façon inévitables, argumentent les médecins. Elles concernent tout autant le paludisme en Afrique que les infections oculaires des enfants de Manhattan. Mais elles apparaissent d’autant plus vite quand les patients suivent mal leurs traitements. Et pour continuer de maintenir une faible charge virale chez les séropositifs, il faudra découvrir de nouveaux traitements avant que les actuels ne deviennent inefficaces.
Les spécialistes font également remarquer que les Africains sont souvent plus appliqués dans le suivi de leur régime médicamenteux. Leurs déclarations quant à la manière dont ils suivent les prescriptions sont aussi plus dignes de foi que celles des Américains, explique David Bangsberg, professeur de médecine à l’Université de Californie à San Francisco. En moyenne, aux États-Unis, dit-il, une personne qui prétend prendre 90 % de ses pilules, en ingère, en fait, 70 %. En revanche, une étude réalisée sur 29 Ougandais montre que pour une prise déclarée de 93 pilules sur 100, la prise effective est de 91.
En outre, dans beaucoup de cas, explique le Dr Merle A. Sande, de l’université d’Utah, qui travaille également en Ouganda, toute la famille se cotise pour payer une thérapie à un de ses membres infecté. « Si on se sacrifie pour vous, vous avez plutôt intérêt à suivre le traitement soigneusement. Le scénario est bien différent au Nord où la majorité des patients reçoit ses médicaments gratuitement. »
Au Botswana, le pays qui a le taux d’infection le plus élevé au monde, le comptage des pilules de 400 malades a prouvé que 85 % d’entre eux avaient une bonne adhérence à leur traitement, explique Ernest Darkoh, directeur du programme national. « Si vous êtes un peu moins strict sur les critères [ne pas prendre en considération, par exemple, un décalage de deux heures dans la prise d’un médicament], vous obtenez même 90 % de parfaite adhérence. » Dans la majorité des cas, le mauvais respect des prescriptions est lié à la coexistence du VIH et d’une autre maladie, comme la tuberculose, qui nécessite la prise de quatre antibiotiques supplémentaires.
Toujours est-il que le respect des traitements est surveillé de près. Dans le centre de Khayelitsha, en Afrique du Sud, où Médecins sans frontières a lancé un programme en mai 2001, 96 % des patients prennent encore 95 % de leurs pilules six mois après le début du traitement. Les tests sanguins montrent que 91 % des patients ont une quantité de virus indétectable dans le sang après six mois, chiffre qui tombe à 83 % après dix-huit mois. « C’est plutôt pas mal, se félicite Eric Goemaere, le directeur du programme. En tout cas, c’est bien mieux que les chiffres que vous pouvez voir dans la plupart des études nord-américaines ! »

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