La fin d’une exception

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Il est des notoriétés assassines. Ainsi en va-t-il de ce pays dont le nom est immédiatement associé au cliquetis des machettes, au génocide froid, à la barbarie
indicible : Rwanda. Longtemps encore, éternellement peut-être, ce confetti colonial belge que seule une poignée de spécialistes était en mesure, avant 1994, de situer sur un planisphère, figurera en bonne place au Panthéon diabolique de ce que l’homme peut faire de pire. Nul alors, ni l’ONU, ni la France, ni la Belgique, ni les États-Unis, ni l’OUA, ni aucun des voisins proches ou lointains de ce pays martyr ne jugea bon d’intervenir pour enrayer la machine à broyer. Les génocidaires, il est vrai, n’étaient ni talibans, ni baasistes, ni membres d’el-Qaïda et n’exterminaient qu’une partie de leur propre peuple. D’où le devoir de mémoire et de repentance imposé à juste titre à la communauté internationale par les survivants du drame.

Si l’oubli est interdit à tous ceux qui auraient pu leur porter assistance, en va-t-il de même pour les Rwandais ? Assurément. Une nation ne se construit pas dans l’amnésie. Mais elle ne se consolide pas non plus, tant à l’intérieur que vis-à-vis de ses partenaires extérieurs, dans la perpétuation, l’exacerbation et l’exploitation de ses démons. À l’approche du dixième anniversaire du génocide, il était donc vital pour le Rwanda de sortir de l’ère du châtiment, de l’exorcisme et autres exercices de thérapie morbide pour entrer dans celle de la modernité économique et politique. Nombre de Rwandais ne souhaitent plus, chaque fois qu’ils voyagent ou rencontrent un étranger, être le réceptacle des compassions, des contritions et des apitoiements paternalistes de leurs interlocuteurs. Sauf pour ceux, heureusement fort peu nombreux, qui gèrent la pitié et la mauvaise conscience des autres comme une rente de situation, ils veulent être reconnus pour ce qu’ils sont désormais : un peuple ingénieux, dynamique, ordonné et travailleur.

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À cet égard, l’élection présidentielle du 25 août a incontestablement marqué un tournant dans ce qu’il faut bien appeler – pour le meilleur – la fin de l’exception rwandaise. Même si le score de 95 % ne relève plus, à l’heure de la mondialisation, du « politiquement correct » et même si, parmi les électeurs de Paul Kagamé, figurent un nombre non négligeable de votes négatifs (bien des Rwandais très critiques à l’encontre du régime actuel estimaient que sa défaite serait, pour eux, pire que sa victoire), cette première consultation présidentielle pluraliste de l’histoire du pays est un véritable progrès. Peu à peu, le Rwanda se démocratise et enterre son passé. Il doit donc être jugé à l’aune d’un pays normal. Voilà une banalisation bienvenue, même si elle n’est pas sans risques pour ceux qui le gouvernent.

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