Et maintenant ?

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Que va faire Paul Kagamé de sa victoire ? Tout juste réélu avec un score digne d’une république soviétique, adoubé par la communauté internationale, le président rwandais a tous les leviers en main pour sortir enfin le pays de la période de transition entamée dès 1994. L’heure n’est donc plus au débat démagogique, et parfois outrancier, sur le divisionnisme, mais à l’action politique et, plus encore, économique. C’est certainement l’enjeu le plus important de cette après-élection et, sans aucun doute, le plus attendu par la population. Mettre enfin en application les textes législatifs peaufinés dans les cabinets ministériels depuis plus de deux ans. Dans toutes les administrations, le discours est en effet identique : « Le projet de loi devrait être adopté avant la fin de l’année. » Qu’il s’agisse de la réforme foncière, des privatisations, de la législation minière ou touristique, du processus judiciaire ou de l’éducation, de nombreux textes devraient être entérinés dans les quatre mois à venir. Ce qui promet de sérieux embouteillages parlementaires pour le dernier trimestre. Mais ce n’est pas une opposition laminée, pour ne pas dire inexistante, qui pourra ralentir sérieusement le calendrier qu’un Kagamé en état de grâce présidentielle depuis son plébiscite devrait logiquement imposer. Comme cela a d’ailleurs été le cas jusqu’à maintenant.

Au cours des dernières années, le pouvoir s’est essentiellement consacré à relever le défi de la sécurité intérieure, tout en ouvrant le pays à l’économie de marché pour mieux lutter contre la pauvreté. Une sorte de social-libéralisme, sous l’oeil vigilant de la communauté financière internationale. La mission est aujourd’hui accomplie, même si les fondements de la démocratie ont été parfois malmenés au cours des derniers mois. La nouvelle ère qui s’ouvre, avec ces élections, devrait maintenant porter sur la définition concrète d’un projet de société fédérateur, capable de susciter l’adhésion de la population dans son ensemble, pour mieux tourner la page du génocide. Sans jamais perdre la mémoire pour autant.
Placée au rang des priorités nationales, la lutte contre la pauvreté a fait l’objet de nombreuses promesses électorales : de la gratuité de l’école primaire en passant par la construction de logements sociaux. Mais, dans ce pays où le moindre mètre carré de terre est cultivé, c’est encore la redéfinition du régime foncier qui focalise l’attention des Rwandais. Une première depuis l’indépendance dans le secteur de l’agriculture, qui procure pourtant un emploi à près de 90 % des actifs et contribue pour 44 % au Produit intérieur brut.

la suite après cette publicité

Confronté à une poussée démographique constante – d’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la population pourrait atteindre près de 10 millions de personnes en 2010, contre 8 millions aujourd’hui -, le gouvernement entend réorienter l’agriculture et passer d’une activité de subsistance à une activité génératrice d’investissements, d’emplois et de revenus. Difficile à mettre en oeuvre dans un pays où la taille moyenne des exploitations reste inférieure à 1 hectare. Le pouvoir politique se prépare donc « à rationaliser l’occupation des sols ». Pas de réforme agraire à l’horizon, puisqu’il ne s’agit pas de redistribuer la terre, mais une loi foncière, susceptible d’assurer une gestion efficace de la ressource. L’objectif est de passer d’une gestion individuelle, héritée des traditions coutumières, à un système fondé sur la collectivité. Une forme de coopérative « à la rwandaise », ayant pour but de permettre le développement généralisé des cultures de rente et d’appliquer avec succès les dernières technologies de fertilisation des sols. Les questions de la vente des terrains, de leur location et de leur transmission doivent également être codifiées par la future loi, attendue donc, comme de nombreux autres dossiers, pour la fin de cette année. Une révolution – douce ? – en perspective au pays des Mille Collines.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires