Contre les « fous d’Allah »

Chronique d’un rapprochement stratégique.

Publié le 15 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Islamabad a du mal à cacher son inquiétude. Car même écourtée de 24 heures, après les deux attentats meurtriers de Tel-Aviv et Jérusalem, le 9 septembre, la visite en Inde d’Ariel Sharon, qui a débuté le 8, marque bien le début d’une nouvelle ère de coopération bilatérale. Une visite de trois jours (la première d’un chef de gouvernement israélien depuis l’indépendance indienne en 1947) qui révèle au grand jour le discret – mais non moins stratégique – rapprochement auquel travaillent, depuis plusieurs années, New Delhi et Tel-Aviv. Avec, de part et d’autre, une même volonté « d’agir contre la terreur », motivée par une perception commune des « menaces islamistes » en Palestine et au Cachemire. « Notre coopération en matière de défense, a rappelé le Premier ministre indien, Atal Bihari Vajpayee, repose sur une compréhension mutuelle des préoccupations de sécurité. »
Signe de ce rapprochement, les échanges commerciaux entre l’Inde et Israël se sont multipliés depuis 1992, date de l’établissement officiel des relations diplomatiques entre les deux pays, pour atteindre 1,7 milliard de dollars cette année (contre 200 millions il y a onze ans). Tel-Aviv est même devenu, au fil des ans, le deuxième fournisseur d’armes de New Delhi, derrière la Russie. Ariel Sharon n’a d’ailleurs pas fait le déplacement seul. À ses côtés, une délégation de 150 personnes comprenant des représentants de l’industrie israélienne de l’armement, des dirigeants d’entreprises de sécurité, de haute technologie et même de firmes agricoles.
Sur place, le quotidien Indian Express ne s’y est pas trompé. « Cette visite, assure-t-il, marque la fin d’une ère dans laquelle New Delhi soutenait moralement la Palestine et condamnait avec force l’occupation des Territoires. Elle met fin en Inde aux derniers vestiges de la guerre froide, ouvrant la voie à une ère de pur pragmatisme. » Longtemps, en effet, le pays s’est posé en défenseur de la cause palestinienne dans le cadre du mouvement des non-alignés. Mais le rapprochement officialisé en 1992 s’est accéléré, il y a cinq ans, avec l’arrivée au pouvoir des nationalistes hindous. L’heure est désormais à l’alliance entre « l’une des plus petites et l’une des plus grandes démocraties du monde ». Bajeh Mishra, conseiller à la sécurité de Vajpayee, plaide même en faveur d’un « axe central États-Unis-Israël-Inde pour combattre ensemble le terrorisme ». De quoi alarmer le Pakistan voisin, éternel rival – musulman – de l’Inde et principal soutien des combattants cachemiris.
Également opposée à cette visite « historique », la gauche indienne, qui a organisé des manifestations dans les plus grandes villes du pays, dès le 9 septembre. Sharon, martèle-t-elle, est un meurtrier qui n’a pas sa place au pays de Gandhi. Mais le Premier ministre israélien n’en a cure, qui a commencé sa visite en allant déposer une gerbe sur un monument érigé à la mémoire du mahatma, à New Delhi.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires