COMPAORÉ, frère ennemi

Publié le 16 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Après avoir volontairement gardé le silence au lendemain de l’éclatement de la crise ivoirienne le 19 septembre 2002, le président burkinabè Blaise Compaoré devait décider de monter personnellement au créneau pour faire face aux accusations venues d’Abidjan, d’abord à mots couverts, ensuite de plus en plus clairement. Il s’est fait fort d’expliquer la position de son pays. Ses craintes aussi. En moins d’un mois, en octobre et courant novembre 2002, il s’est plus exprimé dans la presse étrangère qu’il ne l’a fait pendant toute une année. Début novembre, il s’est rendu à Tripoli où l’avait précédé quelques semaines plus tôt une délégation ivoirienne, et a dispensé à Mouammar Kadhafi un cours d’histoire sur les relations entre le Burkina et la Côte d’Ivoire.
Très vite, on a vu Compaoré aux avant-postes. Il a mis en place une cellule de crise qui se réunit tous les jours à 11 heures autour du Premier ministre Ernest Yonli, les ministres des Affaires étrangères, de la Coopération régionale, de la Défense, de la Sécurité, de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, de l’Information, des Droits de l’homme, ainsi que de l’Action sociale et de la Solidarité nationale. La situation chez le voisin ivoirien est ainsi quotidiennement évaluée à travers les notes de l’ambassadeur burkinabè à Abidjan, la presse ivoirienne, mais aussi nationale et internationale. La plupart des initiatives sont élaborées au sein de ce comité qui rend ensuite compte au Conseil des ministres. Compaoré suit le dossier au jour le jour, consulte, reçoit et maintient un réseau d’informateurs dense. Y compris en Côte d’Ivoire.
Une fois qu’il a donné le la, les membres de l’équipe (dont le ministre des Affaires étrangères Youssouf Ouédraogo et son collègue de la Sécurité Djibrill Bassolé) se laissent aller à des explications parfois musclées dans la presse locale. Le chef de la diplomatie fait même élaborer par ses services un mémorandum distribué dans certaines chancelleries des pays voisins, aux Nations unies et dans plusieurs capitales occidentales. Et les lettres d’explications ou de protestation de tomber régulièrement sur le bureau de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire à Ouagadougou. Avec Abidjan, la rupture semble consommée, d’autant que le président Compaoré, qui est soumis à la pression d’une opinion publique de plus en plus portée à l’épreuve de force, ne se fait plus d’illusions sur le régime Gbagbo (qui le lui rend bien), malgré les liens politiques qu’il a longtemps entretenus avec l’actuel président ivoirien.
Mais il lui faut parallèlement expliquer sa démarche pour éviter l’isolement de son pays et, sur ce registre extérieur, lui seul parle, tous les autres membres de son gouvernement jouant une note en dessous à l’adresse de leurs compatriotes.
Tout y passe : le souvenir douloureux des affrontements meurtriers entre ressortissants burkinabè et autochtones dans la localité ivoirienne de Tabou, en novembre 1999, la présence de rebelles ivoiriens chez lui, ses liens supposés ou réels avec le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI, branche politique de la rébellion) dont la nature véritable n’est pas totalement établie. À propos des anciens militaires exilés, Ouaga aurait attiré à plusieurs reprises l’attention d’Abidjan sur leurs activités et les risques de coup d’État, proposant même de les renvoyer chez eux sous réserve d’une amnistie. Des tractations auraient été engagées, qui n’ont pas abouti. Que se serait-il passé si elles avaient connu une issue positive ?

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