Qui sont les partenaires de l’Afrique ?

Si le continent reste un nain économique, il n’en représente pas moins un vaste marché. Un potentiel qui intéresse un nombre croissant de pays à la recherche de débouchés pour leurs entreprises.

Publié le 23 août 2005 Lecture : 6 minutes.

D’abord « mal partie », ensuite oubliée, l’Afrique est aujourd’hui de retour. Si la famine au Niger et le réveil tardif de la communauté internationale devant la chronique d’une catastrophe annoncée traduisent une nouvelle fois les égoïsmes du Nord, force est de reconnaître que les « puissants » ont, malgré tout, placé le continent au coeur de leurs préoccupations et de leur agenda. Il était temps. Le dernier sommet du G8 à Gleneagles, en Écosse, du 6 au 8 juillet, a confirmé cette nouvelle donne. Sous l’impulsion du Premier ministre britannique, les huit nations les plus industrialisées ont annoncé le doublement de l’aide publique au développement (APD) destinée à l’Afrique, pour la porter à 50 milliards de dollars par an. Quelques jours plus tôt, le G8 avait accepté d’annuler la dette multilatérale de 18 des pays les plus pauvres du monde, dont 14 africains, pour un total de 40 milliards de dollars. « Même si cela est encore insuffisant, cet accord constitue un progrès réel et faisable », a estimé Tony Blair, qui en appelle à la conscience des pays riches. « Lutter contre la pauvreté est un challenge moral fondamental de notre génération », avait-il déjà martelé, en mars dernier, lorsque la Commission pour l’Afrique – qu’il préside – avait présenté son rapport. Ce « plan Marshall », considéré comme une feuille de route, propose notamment de développer les échanges commerciaux avec l’Afrique pour remédier au décrochage de son économie et lui assurer un développement durable. À l’échelle du continent, ces défis relèvent des travaux d’Hercule.
Si le phosphate au Maroc et le tourisme en Tunisie, tout comme les hydrocarbures en Algérie et en Libye, permettent à l’Afrique du Nord de tirer son épingle du jeu, pour le reste, le continent demeure en marge des échanges économiques internationaux. Avec ses 719 millions d’habitants, soit 11,3 % de la population de la planète, l’Afrique subsaharienne ne produit que 1 % des richesses du globe, offrant à sa population un revenu par habitant de 600 dollars par an. En dépit des progrès réalisés par une poignée de pays, elle est le seul continent à s’éloigner des Objectifs du millénaire (OMD), dont la principale ambition est de réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015. À ce jour, 323 millions de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour au sud du Sahara. Il faudrait une croissance de 7 % par an au cours des quinze prochaines années pour relever le défi ! Or, au cours des quinze années qui viennent de s’écouler, l’Afrique a tourné à un rythme d’à peine 2,5 %. Elle n’a pas, non plus, trouvé sa place dans une mondialisation qui avance à marche forcée et dont on cherche toujours les vertus pour les plus faibles. En vingt ans, la part de l’Afrique dans le commerce mondial est passée de 12 % à 2 %, selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Nous n’avançons pas », déclarait, le 5 juillet dernier à Dakar, le ministre sénégalais du Commerce, Mamadou Diop. Et à vrai dire, les statistiques lui donnent raison.

FRILOSITÉ EuropÉeNNE
Depuis 1971, l’Union européenne (UE) a progressivement réduit ou supprimé les droits de douane et éliminé les contingents sur la plupart de ses importations provenant des pays en développement. Depuis 2001, le programme de coopération avec les 49 pays les moins avancés (PMA) prévoit une ouverture totale du marché européen pour tous les produits du Sud, armes exceptées : « Tout sauf les armes ». Depuis 2003 et la ratification de l’accord de Cotonou (Bénin) avec les 78 membres du groupe Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), Bruxelles veut faciliter « l’intégration de ces pays dans l’économie mondiale ». Pour quels résultats ?
En 2000, les importations européennes en provenance d’Afrique subsaharienne s’élevaient à 40 milliards d’euros, et les exportations à 34 milliards. Quatre ans plus tard, la situation n’a guère évolué. Les importations sont passées à 40,3 milliards alors que les exportations ont atteint 38,5 milliards. En d’autres termes, l’Europe a réduit le déficit de sa balance commerciale, et la libéralisation des échanges entre les deux continents a surtout permis aux Européens de trouver de nouveaux débouchés. Inversement, le marché des Vingt-Cinq reste, à bien des égards, peu perméable, même si la Commission tient à faire savoir que l’Europe est le premier débouché pour les 49 pays les moins avancés.
« Les pays africains doivent introduire la politique agricole et les questions commerciales dans leur plan national », estimait, en mars dernier, le commissaire européen au Commerce, Peter Mendelson, lors d’une réunion ministérielle de l’OMC à Mombasa, au Kenya. Avant de promettre « que l’Union européenne allait continuer à faciliter l’accès à son marché pour permettre aux pays fournisseurs de se développer rapidement ». Cette phrase doit, sans doute, résonner comme une provocation dans les oreilles des planteurs de canne à sucre. Le 22 juin dernier, Bruxelles a annoncé la réforme de son régime sucrier avec, à la clé, une baisse de plus d’un tiers des prix garantis aux producteurs. Certes, cette décision fait suite à la plainte du Brésil pour « concurrence déloyale et dumping » et au jugement rendu par l’OMC, mais les pertes pour les sucriers du groupe ACP, qui exportent chaque année en Europe 1,6 million de tonnes, sont estimées à 255 millions de dollars. Plus grave : à ce jour, le montant des compensations n’a pas été déterminé. Les principaux pays africains exportateurs de sucre sont Maurice, Madagascar, le Malawi, le Swaziland et le Zimbabwe, suivis de la Côte d’Ivoire, du Kenya et de la République démocratique du Congo. À tous ces pays, le partenaire européen est en train de faire faux bond. Dans le même temps, les Américains, soucieux de diversifier leurs ressources pétrolières, affichent de nouvelles ambitions en Afrique.

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Les AMÉRICAINs en embuscade
Nous sommes le 18 mai 2000. Bill Clinton, encore au pouvoir, promulgue la « loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique » (Agoa), dont l’objectif est d’accorder des préférences douanières et de verser des aides pour favoriser le commerce. Sur les 48 nations que compte l’Afrique subsaharienne, 37 peuvent bénéficier de cette nouvelle législation, renforcée depuis par George W. Bush. En 2004, les importations aux États-Unis ont atteint 26,6 milliards de dollars, soit une augmentation de 88 % par rapport à l’année précédente. Quant aux exportations américaines, elles ont progressé de 25 % (8,6 milliards). Au total, avec 44 milliards, les échanges commerciaux ont connu un développement de 37 %. Environ 80 % de ces échanges portent sur des produits pétroliers, 9 % concernent le textile, et le reste des produits agricoles. Le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Gabon et la Guinée équatoriale sont les principaux partenaires des États-Unis. « Avec l’Agoa, nous avons ouvert un chemin, c’est maintenant aux gouvernements et aux hommes d’affaires africains de s’y engager. […] Si les sociétés privées africaines veulent être partie prenante de l’économie mondialisée, elles doivent apprendre les règles de la compétition commerciale », déclarait, le mois dernier, à Dakar, Cindy Courville, l’un des principaux conseillers pour l’Afrique du président américain, à l’occasion du forum économique Afrique/États-Unis auquel a participé la secrétaire d’État Condoleezza Rice. Quelques jours plus tôt, avant de se rendre à Gleneagles, George W. Bush avait présenté sa « vision » pour l’Afrique, dans un discours au prestigieux Hudson Institute de Washington. « Un peu plus d’aide, mais surtout beaucoup de commerce » sont, en substance, les deux axes de la politique américaine. « Vaincre l’extrême pauvreté requiert un partenariat et non un comportement paternaliste. […] Pour favoriser les réformes dans leurs pays, les dirigeants africains doivent jouer un rôle primordial […] et ne pas recevoir passivement de l’argent », a déclaré le président américain. Avant d’ajouter : « L’aide internationale a peu d’impact et n’apporte pas beaucoup de bénéfices. » Avec 18,9 milliards de dollars distribués, l’aide publique au développement des États-Unis ne représente que 0,16 % du Produit intérieur brut (PIB) américain, très loin des 0,7 % promis depuis les années 1970 par les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). George W. Bush a assuré qu’il doublerait les budgets destinés à l’Afrique d’ici à cinq ans. Mais pas au-delà : « Cela ne correspond pas à nos habitudes budgétaires », a pris soin de préciser le chef de la Maison Blanche.
Quant au développement des échanges préconisé par les instances internationales, on peut légitimement s’interroger sur le bien-fondé d’une vision aussi idyllique du marché, alors que les pays du Nord continuent de subventionner leur agriculture, dans un contexte général de détérioration « des termes de l’échange ». Exception faite de l’or noir, l’ensemble des cours des matières premières a chuté de plus de 70 % depuis une vingtaine d’années. Sur la même période, celui des produits manufacturés a connu une hausse constante.

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