Plus ou mieux ?

La dernière récolte a permis au pays de se hisser au premier rang africain. Deux pistes sont explorées pour l’avenir : améliorer encore la productivité ou cultiver « bio », un marché rémunérateur mais plus restreint.

Publié le 22 août 2005 Lecture : 3 minutes.

La filière cotonnière burkinabè fait figure de modèle dans la sous-région. Non seulement parce que le Burkina est devenu, cette année, le premier producteur africain d’or blanc avec une récolte de plus de 638 000 tonnes de coton-graine, mais aussi parce que c’est le seul exemple de libéralisation réussie à ce jour où, de plus, les cultivateurs participent activement à la gestion de la filière. Privatisée en 1998 avec l’entrée des contonculteurs à hauteur de 30 % au capital de la Sofitex, la filière cotonnière burkinabè a été libéralisée en 2004. Avec la création de deux autres sociétés : la Socoma, détenue à 55 % par le français Dagris et à 10 % par les producteurs, s’adjuge l’est du pays, tandis que la zone centre échoit à Faso Coton, dont le capital est réparti entre les producteurs (20 %) et le groupe helvétique Paul Reinhart SA.
En dépit d’une récolte record, les sociétés cotonnières connaissent toutefois des déficits importants en raison de la faiblesse des cours mondiaux et d’une parité euro/dollar très défavorable à la zone CFA. Pour les producteurs, le sursis sera de courte durée. Cette année, ils ont pu vendre leur coton à un prix convenable (210 F CFA, 0,30 euro, le kilo), car au prix de base de 175 F CFA le kilo s’est ajoutée une ristourne de 35 F CFA provenant des bénéfices réalisés l’année précédente. Mais le fonds de soutien sur lequel cette somme a été prélevée est désormais épuisé. Le prix d’achat fixé pour la campagne 2005-2006 ne dépassera donc pas les 175 F CFA le kilo. À ce tarif, nombre de producteurs atteindront tout juste l’équilibre financier. Considérant que la profession et le pays n’ont pas ménagé leur peine pour réformer la filière, François Traoré, président de l’Union nationale des producteurs du coton du Burkina (UNPCB), attend des bailleurs de fonds qu’ils s’intéressent de plus près à la filière. Celle-ci est en outre confrontée à des enjeux écologiques majeurs.
Chaque année, la culture de l’or blanc absorbe 25 % des intrants chimiques utilisés dans le monde. Autant de produits qui s’infiltrent dans les sols et les nappes phréatiques, polluent l’eau et contribuent à la baisse de fertilité des terres. Par ailleurs les paysans, notamment en Afrique, ne respectent pas toujours le système de rotation des cultures et le dosage entre engrais azotés et fumure organique préconisé par les sociétés cotonnières. Résultat : les rendements diminuent ou, au mieux, stagnent. Et les producteurs défrichent des surfaces toujours plus importantes.
Deux pistes d’avenir sont explorées au Burkina : les organismes génétiquement modifiés (OGM) et l’agriculture biologique. Selon ses défenseurs, le coton génétiquement modifié permettrait d’améliorer les rendements des exploitations tout en limitant l’usage des engrais et pesticides. Depuis 2003, des essais sont réalisés par les firmes Monsanto et Syngenta en collaboration avec l’Institut national de l’environnement et de recherches agricoles (Inera). « Les OGM peuvent nous permettre d’économiser sur les intrants et nous serons certainement plus compétitifs, indique Benoît Ouattara, le ministre du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat. Mais nous n’en sommes pas encore là. Les tests sont en cours. La première évaluation, rendue publique en février dernier, est encourageante. Mais il nous faudra encore quelques années de mise au point pour que le Burkina soit capable de développer lui-même ses propres semences. »
Souvent opposés aux OGM, les partisans de l’agriculture biologique leur préfèrent un coton naturel, cultivé sans engrais chimiques, qui permet non seulement de préserver la fertilité des sols, mais aussi de limiter l’endettement des producteurs, les intrants représentant en moyenne 30 % à 40 % des frais de production. Cela étant, le « bio » requiert une main-d’oeuvre plus importante, désherbage et fabrication de la fumure organique obligent, et il est donc acheté plus cher (environ 30 % à 40 %). Au Burkina, le coton bio a fait son apparition en 2004 par l’intermédiaire de l’ONG suisse Helvetas, déjà active dans ce domaine au Mali voisin. Le projet est porté par l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB). Si le nombre de cotonculteurs « bio » reste dérisoire, il a plus que décuplé en un an, passant de 70 à plus de 800 aujourd’hui, pour une production de quelque 200 tonnes de coton-graine (pour un marché mondial de quelque 10 000 tonnes actuellement). « Nous essayons de sortir le coton bio de sa niche commerciale, indique Daniel Valenghi, directeur d’Helvetas au Burkina. Il existe aujourd’hui une demande qui n’est pas satisfaite, mais elle n’est pas non plus illimitée. » L’ONG effectue un travail de marketing en Europe auprès des supermarchés, des distributeurs, des fabricants de tee-shirts, etc. Aujourd’hui, plusieurs marques s’intéressent à cette fibre « propre » : Hess-Natur, Migros, Switcher, Patagonia, Nike ou encore Levi’s… En Suisse, 2 % du coton acheté est biologique.

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