Lula sur tous les fronts
Le président s’appuie sur la coopération Sud-Sud et sur les liens culturels entre son pays et le continent pour défendre ses intérêts économiques.
Quatre voyages présidentiels en moins de deux ans sur le continent africain, des échanges commerciaux qui ont doublé en quatre ans pour atteindre 10,4 milliards de dollars en 2004 : nul besoin d’aller chercher très loin la nature des relations entre le Brésil, puissance continentale latino-américaine, et l’Afrique. Des deux côtés de l’Atlantique, au-dessous de l’Équateur, c’est à une véritable lune de miel qu’on assiste depuis l’accession au pouvoir de Luiz Inácio « Lula » da Silva. Si le président brésilien pâtit, dans son propre pays, des accusations de corruption qui pèsent sur son entourage et des déceptions de ses partisans quant aux progrès accomplis depuis son élection, en octobre 2002, il est reçu à bras ouverts en Afrique.
Après sa première et très médiatisée tournée sur le continent, fin 2003, Lula a visité pas moins de quatorze pays africains dans quatre des cinq sous-régions (seule l’Afrique de l’Est n’a pas eu cet honneur). Tourné plus particulièrement vers les pays lusophones (son premier voyage l’a mené à São Tomé e Príncipe, en Angola et au Mozambique), Lula n’a pas manqué les escales sud-africaine, égyptienne et sénégalaise (en avril 2005). À chaque fois accompagné de chefs d’entreprise, il s’est fait le chantre du développement et a signé des accords de partenariat dans de nombreux secteurs. Symbolique, économique, diplomatique : le Brésil joue sur tous les fronts son rapprochement avec l’Afrique. Prompt à mettre en valeur la proximité culturelle de son pays avec le continent, il a été jusqu’à s’excuser, au Sénégal, « pour ce que nous avons fait aux Noirs », se référant aux 12 millions d’esclaves « importés » d’Afrique vers le Brésil, du XVIe au XVIIIe siècle. Un signe aussi envers son propre électorat – les populations défavorisées – pour qui il demeure le premier président à avoir nommé un Noir dans son gouvernement (le ministre de la Culture, Gilberto Gil). En Afrique, Lula aime à rappeler que sa patrie rassemble la plus grande population noire au monde après le Nigeria.
Mais son intérêt se nourrit d’autres motivations. Diplomatiquement, le soutien des pays africains lui est indispensable, notamment aux Nations unies où il tente d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité. En prenant la tête de la fronde contre les subventions agricoles des pays riches, le Brésil a su également toucher la corde sensible des Africains, qui, de manière générale, se sentent proches de cette grande puissance en devenir. En septembre 2003, l’échec des négociations de l’OMC lui est, en partie, imputable.
Au plan économique, le marché africain est un eldorado pour les entreprises brésiliennes. Biens de consommation, agriculture : on a vu ces derniers temps se multiplier les exportations brésiliennes de soja, de poulets congelés, de produits chimiques ou de médicaments génériques. Des augmentations impressionnantes comme au Ghana, où les échanges entre les deux pays ont grimpé de 600 % entre 2002 et 2004. Mais c’est avec le Nigeria que le Brésil réalise près de la moitié de ses échanges commerciaux. Comme pour toutes les puissances mondiales qui lorgnent le continent, l’or noir reste l’enjeu majeur. Les dirigeants de Petrobras, le géant pétrolier national, font, quasiment à chaque fois, le déplacement en Afrique aux côtés de Lula. En septembre prochain, Petrobras inaugurera d’ailleurs, avec le groupe cotonnier Dagris, une filiale dans l’État brésilien de Bahia, pour produire du biodiesel. Dagris, traditionnellement tourné vers le continent, ne cache plus son intérêt pour l’ami brésilien. Qui pourrait se révéler un sérieux challengeur. Ami de l’Afrique, certes, mais concurrent aussi !
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