Les professionnels montent au créneau

Le président de l’Union nationale des producteurs de coton défend la compétitivité de la filière et réclame l’arrêt des subventions aux États-Unis.

Publié le 22 août 2005 Lecture : 4 minutes.

François Traoré, président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) depuis 1998, décrit les principaux enjeux auxquels la filière est aujourd’hui confrontée.
JEUNE AFRIQUE/L’INTELIGENT : Pour la prochaine campagne, le prix prévu est de 175 F CFA le kilo…
François Traoré : À ce tarif, les producteurs pourront tout juste atteindre l’équilibre financier. C’est insuffisant. Le Burkina n’a pas ménagé sa peine pour réformer la filière. Il faut maintenant que les bailleurs de fonds fassent un effort en apportant leur contribution au fonds de soutien. C’est le moment ou jamais !

J.A.I. : On parle de plus en plus de la baisse de compétitivité des filières cotonnières africaines, notamment par rapport aux pays émergents comme le Brésil…
F.T. : Tous les moyens sont bons pour montrer aux Africains qu’ils ont tort et pour tenter d’affaiblir leur combat contre les subventions. En matière de compétitivité, il y a des efforts à faire à tout moment. Le rendement moyen est d’environ 1,1 tonne à l’hectare. Il peut être amélioré, je ne dis pas le contraire. Mais notre problème actuel n’a rien à voir avec la compétitivité. Il tient à la faiblesse du dollar par rapport à l’euro et au franc CFA. D’autre part, la qualité de notre coton reste l’une des meilleures au monde. Je suis allé aux États-Unis, où j’ai vu le coton récolté à la machine. La qualité de la fibre en pâtit.

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J.A.I. : Donc, vous n’êtes pas inquiet pour l’avenir des filières africaines ?
F.T. : Dire que je ne suis pas inquiet est inexact, mais prétendre que nous avons perdu notre compétitivité est encore plus faux. À preuve, dès que l’on parle de libéraliser les filières africaines, les sociétés du monde entier se pressent chez nous. Pourquoi ?

J.A.I. : L’augmentation de la production va également de pair avec l’extension des surfaces cultivées, la déforestation et la perte de fertilité des sols…
F.T. : Toute culture a un effet sur la terre. Il y a des sols qui s’appauvrissent. Mais le coton n’est pas le seul responsable. Quant aux surfaces, j’ai moi-même commencé avec un champ de 10 hectares. Maintenant, il y a 100 hectares et mes cinq fils y travaillent. L’augmentation des surfaces répond aux besoins des familles qui vivent et s’agrandissent. On dit que le coton grignote la forêt à Fada [Fada N’Gourma, dans l’est du pays, NDLR]. Soit, mais il faut savoir que les jeunes qui cultivent le coton à Fada sont les mêmes qui, auparavant, partaient le cultiver au Bénin. Pour survivre, ils devaient abandonner leurs familles. Et ils revenaient les mains vides. Maintenant, ils peuvent faire du coton dans leur pays, chez eux. Est-ce qu’ils ont tort ? Doivent-ils vivre ou périr ? C’est très bien de défendre la forêt, mais il faut aussi défendre les hommes.

J.A.I. : Le Burkina commence à produire du coton biologique, c’est-à-dire sans pesticides. Qu’en pensez-vous ?
F.T. : L’idée de fertilisation des sols est capitale dans la culture du coton biologique. C’est pour cette raison que l’UNPCB s’est lancée dans ce projet. Pour sensibiliser les producteurs aux soins qu’il faut porter à la terre. Commercialement, nous verrons ce que cela va donner. Avant de s’engager dans le coton bio, nos producteurs sont allés au Mali, où cela existe déjà. Ils ont été convaincus. Ici, personne ne décide à leur place. S’ils sont intéressés, ils s’engagent, sinon ils se retirent.

J.A.I. : Autre expérimentation en cours au Burkina : le coton génétiquement modifié. Êtes-vous favorable à une commercialisation des OGM ?
F.T. : Je n’y suis pas opposé. C’est une technologie. Quand la science est bonne, on ne peut pas aller contre. Nos chercheurs sont en train de faire des essais. S’ils jugent le rendement intéressant, nous en produirons. Pour l’instant, aucune étude ne démontre que les OGM soient nocifs pour l’homme et l’environnement. En revanche, les pesticides le sont. Et cela, tout le monde le sait. Les pesticides tuent et vont continuer à le faire. Or nous en utilisons tous les jours…

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J.A.I. : Les anti-OGM craignent que les producteurs ne deviennent dépendants des firmes biochimiques pour l’achat des semences…
F.T. : Si ce n’est pas rentable, personne ne pourra forcer les producteurs à planter. Si ça l’est, personne ne pourra les en empêcher. De toute façon, il ne faut pas se leurrer : la dépendance existe déjà. Toutes nos semences s’achètent, qu’il s’agisse du maïs, du sorgho, du coton… Si tu plantes les graines venant de ton grenier, tu perds deux tiers de ton rendement !

J.A.I. : Où en est votre combat contre les subventions ?
F.T. : Paul Wolfowitz, le nouveau président de la Banque mondiale, est venu au Burkina en juin. Il m’a dit que les subventions américaines lui faisaient honte. Et il a promis qu’il lutterait pour leur abolition. Nous verrons. En attendant, elles sont toujours en vigueur et nous continuons à nous battre.

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