Les marchés financiers à la rescousse

Publié le 22 août 2005 Lecture : 2 minutes.

Le Premier ministre britannique, Tony Blair, et son chancelier de l’Échiquier, Gordon Brown, peuvent être satisfaits. Leur projet IFF (Facilité de financement internationale), qui consiste à emprunter sur les marchés financiers pour accroître l’aide au développement, a reçu l’aval de la Commission de Bruxelles.
Eurostat, le bureau européen des statistiques, a en effet estimé que l’IFF ne devait pas figurer dans les comptes des États. Autrement dit, les sommes empruntées n’entreront pas dans le calcul de l’endettement public qui, en vertu du Pacte de stabilité et de croissance, ne doit pas excéder 60 % du Produit intérieur brut (PIB).

Sans cette largesse, certains pays européens auraient sans doute fait machine arrière, et il y a fort à parier que les marchés financiers n’auraient pas cautionné une pratique budgétaire jugée hasardeuse. Grâce au feu vert bruxellois, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Espagne et la Suède vont ainsi pouvoir lever 4 milliards de dollars pour financer une campagne de vaccination et de soins contre la malaria et le sida en Afrique.

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Les taux d’intérêt devraient tourner autour de 3 % à 4 %, avec un remboursement sur dix ans gagé sur l’augmentation promise de l’aide publique au développement (APD). « Les souscripteurs seront certainement des investisseurs institutionnels, et notamment des fonds de pension américains, prédit Jean Missinhoum, du fonds d’investissement américain Intangis. Le marché va adorer ce nouveau produit, car l’emprunt est garanti par les États, et l’épargne solidaire a le vent en poupe. »
Victoire totale de la finance, en effet. Pour la première fois, de l’argent va être placé dans des programmes de santé destinés aux plus pauvres. Avec, à la clé, la certitude de réaliser des plus-values. « Cela peut paraître paradoxal ou même immoral, reconnaît Missinhoum, mais cette nouvelle démarche va imposer une logique de transparence et de résultat dans les programmes de développement. L’Afrique va ainsi sortir de l’assistanat. » Une façon, aussi, d’en finir avec les dérives de l’aide internationale et sa cohorte de scandales. On voit mal un fonds de pension financer un hôpital surdimensionné en pleine brousse sans personnel et sans budget pour son fonctionnement.
« Il ne faut pas se réjouir trop vite, tempère Jean Merckaert, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). L’IFF fait la part belle aux financiers, elle ne répond pas à l’urgence d’une solidarité internationale reposant sur un financement stable et durable. » Un financement stable et durable… ce sont justement les termes utilisés par Paris pour défendre la taxe sur les billets d’avion. Toutefois, si l’IFF est dans les starting-blocks, cette « contribution aérienne » est encore loin de faire l’unanimité. Évoquée lors du sommet du G8 à Gleneagles (Écosse) en juillet dernier, mais rejetée par les États-Unis, elle sera à l’ordre du jour lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. Aux yeux de beaucoup, ces deux mécanismes sont complémentaires : l’IFF pour mobiliser immédiatement 4 milliards de dollars, le prélèvement sur les billets d’avion pour rembourser cet emprunt et financer sur du long terme l’augmentation de l’aide à l’Afrique.

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