[Tribune] Travail des enfants en RDC : les géants de la tech doivent assumer leurs responsabilités
Les multinationales Apple, Microsoft, Google, Dell et Tesla ont soumis une requête contre la plainte les accusant de bénéficier du travail des enfants dans les mines de cobalt en RDC. Ils ne peuvent pourtant pas nier leur implication.
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Roger-Claude Liwanga
Chercheur à l’université Harvard, professeur de droit et de négociations internationales à l’université Emory.
Publié le 2 septembre 2020 Lecture : 3 minutes.
Les compagnies Apple, Microsoft, Google, Dell et Tesla ont soumis fin août une motion commune à la cour fédérale américaine demandant le rejet de la plainte les accusant d’avoir bénéficié du travail des enfants dans les mines de cobalt en RDC. Si l’on pouvait s’y attendre, intéressons-nous tout de même à la manière dont elles essaient de se disculper et revenons sur les faits.
C’est en décembre 2019 que le collectif International Rights Advocates (IRAdvocates) a déposé plainte contre ces géants de la technologie, et ce au nom de 14 plaignants congolais.
La plainte épinglait deux de leurs fournisseurs : le chinois Huayou Cobalt et l’anglo-suisse Glencore, propriétaires de plusieurs sociétés minières dans les provinces congolaises du Lualaba et du Haut-Katanga.
Des arguments non recevables
Les compagnies visées par la plainte ne contestent pas le fait que des enfants aient travaillé dans des mines de cobalt. Elles estiment en revanche qu’il n’y a aucune preuve qu’elles aient directement acheté du cobalt auprès de ces enfants, alors même que leurs fournisseurs ont plusieurs fois été accusés, dans divers rapports d’ONG, d’avoir eu recours au travail des enfants en RDC.
La requête de 53 pages soumise au nom des cinq multinationales soutient aussi que les accusations portées contre elles doivent être rejetées au motif que les enfants blessés ou morts dans les mines de cobalt n’étaient pas contraints à y travailler au sens où l’entend la loi américaine sur la traite des personnes (« TVPRA »). Mais pourquoi une personne risquerait sa vie pour extraire du cobalt pour un dollar par jour si elle n’était pas directement ou indirectement forcée à le faire ?
J’ajoute que même si les géants de la tech contestent la compétence de la cour fédérale dans cette affaire, la TVPRA reconnaît une compétence extra-territoriale aux cours et aux tribunaux américains qui leur permet de poursuivre les Américains impliqués directement ou indirectement dans la traite d’être humains en dehors de leur pays et de leur imposer les sanctions. Dès lors, il ne paraît pas inconcevable que ladite cour fédérale puisse statuer sur des dommages et intérêts pour les victimes.
Pour sa part, Alphabet, la maison-mère de Google, maintient que les charges contre elle doivent être abandonnées parce qu’elle ne peut être tenue pour responsable des mauvais comportements présumés de sa filiale. À mon sens, cette thèse ne tient pas non plus la route : comment peut-elle tirer profit de la vente d’appareils électroniques contenant du cobalt issu du travail des enfants en utilisant le nom de Google et espérer ne pas être tenue pour responsable au motif qu’elle ne serait pas directement impliquée ?
Implication directe
Quant au groupe Dell, il affirme que la cour fédérale n’est pas compétente pour statuer sur son cas parce qu’il n’est ni enregistré ni basé à Washington et parce que les faits présumés n’ont pas eu lieu sur le territoire américain.
Ces compagnies pourraient persuader leurs fournisseurs de mettre fin à ces pratiques
Le D.C. Code (paragraphe 13-423) accorde pourtant à la cour fédérale de Washington un statut particulier, qui lui permet de se pencher sur les activités contractuelles des compagnies américaines qui n’ont pas de siège social dans la capitale. Et s’il est vrai que les faits n’ont pas eu lieu aux États-Unis, les appareils électroniques contenant du cobalt sont commercialisés sur le territoire américain.
Apple, Microsoft, Google, Dell et Tesla peuvent agir, j’en suis convaincu. Elles pourraient reconnaître leur implication indirecte dans le travail des enfants en RDC. Elles pourraient aussi persuader leurs fournisseurs de mettre fin à ces pratiques et soutenir les efforts menés localement pour éradiquer le travail des enfants.
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