À la découverte de Pétra

Depuis qu’il a quitté le Groupe Jeune Afrique, notre ancien directeur de fabrication est devenu un amateur de grands voyages. Ainsi a-t-il effectué il y a quelques années un long périple de la mer Rouge à la côte égéenne, consignant minutieusement ses imp

Publié le 23 août 2005 Lecture : 7 minutes.

Tôt le matin, nous quittons Aqaba et la mer Rouge pour le village de Wadi Rum, porte du désert. Slemane, jeune Bédouin, nous prend en charge et guide notre véhicule avec son 4×4 dans les larges vallées sablonneuses de couleur rose foncé, bordées de montagnes ou de falaises gris orangé du djebel Burdah. Plus nous progressons, plus le désert déploie ses charmes. Envoûtement, fascination… avant que la réalité ne se rappelle à nous : à plusieurs reprises au cours de ces deux journées, le sable fin et mou tendra ses pièges. Il faut manier la pelle pour dégager les roues enfouies jusqu’à l’essieu et leur permettre, grâce aux plaques métalliques, de s’extraire d’un sable qui ne demande qu’à les engloutir à nouveau. Dans le même temps, pousser le véhicule et récupérer rapidement les plaques passées à l’arrière du 4×4 pour les engager à nouveau sous les roues jusqu’au moment où elles trouvent une terre plus ferme.
À pied, nous partons à l’assaut des dunes puis de quelques sommets. Si la montée demande bien des efforts, la descente dans le sable où l’on enfonce jusqu’à la cheville est un réel plaisir. Le but de la balade est une arche naturelle qui ne nécessite qu’une petite grimpette pour en atteindre le sommet et la traverser. En revanche, entreprendre de monter jusqu’à celle dénommée Rock Bridge exige un parcours sportif de trois heures sur une falaise assez raide. Slemane connaît bien le sentier et les meilleurs passages. En des endroits délicats, il est indispensable de nous aider réciproquement.
Deux nuits dans le désert à la belle étoile, sauf pour nous qui montons une tente canadienne, plus vaste que le modèle igloo mais un peu plus longue à dresser.
Puis ce sera la découverte de gravures rupestres bédouines, d’inscriptions koufiques et des symboles mystérieux laissés par les Thamuds, tribu originaire d’Arabie saoudite, plusieurs siècles avant notre ère.
Les couchers de soleil ne doivent être manqués à aucun prix, nous dit-on. Des Bédouins viennent nous chercher avec leur 4×4 et nous conduisent en un lieu où sable, roches et falaises ont des tons orangés soutenus. Déception, le soleil ne flamboie pas et le désert ne prend pas la couleur rouge annoncée.
Durant le voyage, petit déjeuner et dîner sont préparés en commun. La cuisine d’Alibaba, notre accompagnateur, se révèle bonne mais particulièrement épicée. Au fil des jours, nous tendrons à la ramener à des niveaux plus compatibles avec nos gosiers occidentaux. Le déjeuner ne fait pas partie des prestations, sauf exception. Nous le prenons ensemble ou à quelques-uns, dans de petits restaurants ou sous forme de pique-nique, au hasard des visites. À moins que nous préférions nous en dispenser pour consacrer une ou deux heures de plus à la découverte approfondie d’un site, d’un château ou d’un musée. Ainsi sommes-nous revenus au village de Wadi Rum pour un déjeuner suivi d’une possibilité de baignade dans une immense cavité rocheuse naturelle fermée à une des extrémités. De jeunes Jordaniens sont nombreux à se baigner. Du groupe, certains font trempette, d’autres jugent préférable de s’abstenir.
Le soir, après le dîner et la vaisselle, les Bédouins viennent nombreux nous rendre visite. Autour du feu, nous chantons et les nomades nous font découvrir leurs chants et leur folklore.
Nous rendons visite au puits de Lawrence d’Arabie. C’est en effet dans le désert de Wadi Rum que l’officier anglais avait rassemblé une nombreuse armée arabe à l’époque de la Première Guerre mondiale. La source coule toujours mais le site n’offre pas grand intérêt si ce n’est le panorama des falaises qui s’élèvent autour. Des tentes bédouines sont plantées çà et là. Les dromadaires, appelés ici chameaux, sont toujours présents, mais le pick-up 4×4 l’est désormais tout autant.
La soirée se prolonge dans l’euphorie et le retour au bivouac est tardif alors que nous devons être de très bonne heure à Pétra le lendemain et nous lever en conséquence.
La région traversée est aride : des champs labourés ou griffés et des parcelles en terrasses autour de tentes de Bédouins avec chameaux, moutons et le 4×4. Les Bédouins : les plus loyaux parmi les fidèles du roi, qui n’oublie jamais de leur rendre visite en toute simplicité, là où ils demeurent sous leurs tentes. Ils parlent avec grand respect de la monarchie jordanienne.
Dès que l’eau est présente, comme à Rajif, la campagne devient verdoyante et les arbres fruitiers, les figuiers, les oliviers et de petits jardins potagers resplendissent de santé. Pour retrouver aussitôt après sécheresse et aridité.
Pétra ! Cité des Nabatéens, dès le Ve siècle avant J.-C., taillée dans la pierre rose, elle fut la capitale du peuple caravanier qui transportait vers le bassin méditerranéen la myrrhe, l’encens et les denrées précieuses de la lointaine Arabie. Sans conteste, un des plus beaux sites du Proche-Orient. Merveille naturelle avec ses longs canyons, ses falaises et ses belvédères, ses grès roses, jaunes, rouges et bleus qui dessinent des marbrures étonnantes. Merveille architecturale avec ses vastes tombeaux creusés et sculptés dans la roche. Sans oublier quelques vestiges de l’occupation romaine.
Pétra, qui comprend plus de huit cents monuments taillés dans le rocher, est construit en plein désert, dans une cuvette entourée de montagnes permettant de recueillir les eaux de pluie.
La cité est loin d’être morte. Truffée d’habitations troglodytiques, dont certaines encore habitées. Les nomades sont encore nombreux et les rencontres fréquentes avec les enfants qui proposent des morceaux de poterie, des fragments de roches colorés ou des bibelots artisanaux. Traqués par les policiers, ils disparaissent comme une volée de moineaux dès qu’apparaît un uniforme.
Nous y restons deux jours et ce n’est pas de trop. Dès l’ouverture, à 6 h 30, nous sommes devant l’entrée. À pied, nous empruntons le Siq, une faille de 1,2 kilomètre de long, bordée de falaises de 70 à 120 mètres de haut qui vont se rétrécissant jusqu’à 2 mètres de largeur. De chaque côté sont creusés dans la roche des canaux pour la circulation de l’eau.
Au moment où nous nous y attendons le moins apparaît, alors que nous sommes dans la pénombre de l’étroite gorge, la façade rose illuminée par le soleil du Khazneh, un tombeau nabatéen haut de 40 mètres (Ier siècle avant J.-C.-IIe siècle après). Fantastique ! Splendide !
Nous partons ensuite à la découverte du site : la cité des tombeaux ; le théâtre creusé dans la roche, assez bien conservé (7 000 places) et dont le décor de scène en pierres taillées date de l’époque romaine ; le tombeau à urnes aux grandes arches restaurées et dont la partie supérieure a été transformée au Ve siècle en église byzantine ; les tombes royales alignées au pied d’une falaise, dont le tombeau à étages, le tombeau corinthien et le petit tombeau-palais dont la façade est marbrée de bleu, de blanc, de gris et de rose. Puis, plus loin, la tombe du jardin, le mausolée du soldat romain décoré de hauts reliefs, la fontaine au lion.
Par une voie pavée, jadis à portiques, construite au iie siècle, nous pénétrons dans la ville romaine par une porte monumentale offrant trois passages dont ne subsistent que les impressionnants piliers. Ce sont ensuite les ruines d’un temple corinthien et les vestiges des thermes, avant d’arriver au Qasr el-Bint (le palais de la fille de Pharaon), le bâtiment religieux le plus important de Pétra et le seul édifié en pierre de taille par les Nabatéens.
Une visite au petit musée : bijoux, statuettes, céramiques trouvés sur place et qui ne présentent qu’un intérêt relatif. Il est vrai que la journée a été rude. Nous avons énormément marché sous le soleil, en appréciant à l’occasion la fraîcheur des tombeaux et en absorbant une quantité impressionnante d’eau.
Bivouac tout près de Pétra, au pied d’une falaise et lever à 5 heures.
La journée commence par la montée au Haut Lieu du sacrifice. Du sommet, très beau panorama sur Pétra et sur le cirque de montagnes qui l’enserre. On comprend pourquoi la cité est restée inviolée pendant des siècles. Deux étonnants obélisques érigés en l’honneur d’une Vénus nabatéenne ont demandé un travail herculéen. Ils n’ont pas été dressés : c’est la montagne qui a été creusée et dégagée tout autour. Sur un autre promontoire, les tables pour les sacrifices et des piscines creusées à même le rocher.
Le long chemin du retour nous conduit vers la ville romaine d’où nous entreprenons la montée vers le monastère (ed-Deir) dans un étroit canyon agrémenté de sept cent quatre-vingt-huit marches, puis d’un passage étroit au flanc d’une falaise, le long d’un profond ravin, avant de découvrir, la montagne le dissimulant jusqu’au dernier tournant, le monastère sculpté et creusé dans le grès jaune de la falaise (45 mètres de haut sur 50 mètres de large). Il daterait du Ier siècle et aurait servi de refuge à des chrétiens. Le soleil le fait resplendir.
Nous poursuivons un peu au-delà, cherchant parmi d’innombrables morceaux de poteries, gisant à même le sol ou à fleur de terre, un échantillon révélateur du savoir-faire des générations qui ont vécu en ces lieux. Bien des sites ont été dégagés et présentent des restaurations terminées ou en cours, le plus souvent par des fondations étrangères, mais n’ont pas été fouillés.
Sur le chemin du retour, la fatigue se fait sentir. Deux journées harassantes mais vraiment fascinantes. Avant d’emprunter à nouveau la faille du Siq, un dernier regard au Khazneh qui, sous la lumière du jour qui s’adoucit, perd petit à petit sa magnifique parure rose pour revêtir une teinte grise, un peu triste.

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