Gaza ? C’est Washington qui paye !

Publié le 22 août 2005 Lecture : 4 minutes.

Près de 50 000 policiers et militaires mobilisés, 1 200 maisons détruites, 9 500 colons évacués de Gaza et de Cisjordanie, autant de personnes à indemniser puis à reloger dans le désert du Néguev ou en Galilée… Le coût du rait israélien des territoires occupés, qui devait débuter le 17 août, s’élève, selon l’État hébreu, à 1,7 milliard de dollars. Ariel Sharon aurait-il pu réaliser une telle opération sans le soutien de Washington ?
Nul doute, en tout cas, qu’il comptait sur la générosité américaine. Les États-Unis n’ont-ils pas « injecté » près de 100 milliards de dollars à Israël depuis sa création, en 1948 ? C’est donc tout naturellement qu’une délégation israélienne a pris le chemin de Washington, le 11 juillet, pour décrocher 2,2 milliards de dollars. Une enveloppe qui vient en complément des 3 milliards de dollars d’aide économique et militaire que les États-Unis octroient chaque année à l’État hébreu. À cette aide publique multiforme (prêts garantis, dons, avantages douaniers, subventions militaires…) et opaque (elle ne cible pas des projets spécifiques, mais prend la forme d’un soutien direct au budget israélien) s’ajoutent les contributions des puissants lobbies juifs américains.
Comment la Maison Blanche, qui considère le désengagement de Gaza comme une « étape historique » dans le processus de paix au Moyen-Orient, aurait-elle pu refuser de mettre une fois de plus la main à la poche ? Certes, le montant de la demande présentée par la délégation israélienne à Elliott Abrams, en charge de ce dossier au sein du Conseil de sécurité nationale américain, est loin d’être négligeable. Mais ce n’est pas la première fois que Tel-Aviv obtient une rallonge substantielle dans le cadre d’une rétrocession de territoires annexés illégalement.
Déjà après les accords de Camp David, en 1978, Washington avait répondu favorablement aux sollicitations financières d’Israël pour rendre le Sinaï à l’Égypte. L’année suivante, la coopération militaire américaine avait considérablement augmenté, les prêts passant de 500 millions à 1,3 milliard de dollars, et les dons de 500 millions à 2,7 milliards. Elle n’avait du reste cessé de croître depuis la guerre de Kippour, en 1973 : les sommes allouées à Israël avaient alors été multipliées par cinq et l’État hébreu était devenu le premier bénéficiaire de l’aide extérieure publique américaine.

L’assistance militaire, qui entre aujourd’hui dans les deux tiers de la dotation globale, peut prendre la forme d’un transfert spécial de liquidités (à l’instar des 200 millions de dollars versés en 2002 au titre de la lutte contre le terrorisme) ou d’une collaboration technologique, notamment pour le développement de systèmes d’armements, tels que le missile antimissiles Arrow, l’avion militaire Lavi ou le char d’assaut Merkava.
« L’aide américaine a augmenté au fur et à mesure qu’Israël est devenu plus fort, plus agressif et plus coopératif », commente Stephen Zunes, professeur américain de sciences politiques. Les raisons « morales » invoquées par Washington pour justifier cette solidarité financière se doublent d’un intérêt géostratégique évident. Pendant la guerre froide, Israël a empêché les mouvements nationalistes radicaux de s’emparer du pouvoir au Liban, en Jordanie et au Yémen. Et les guerres qu’il a menées contre ses voisins arabes ont indirectement permis aux États-Unis de tester leurs armes face à l’arsenal soviétique.
Mais en dépit de l’amitié historique qui lie les deux pays, Washington conditionne son soutien. Pour ne pas donner l’impression qu’il cautionne les annexions israéliennes, il interdit à son allié d’investir l’argent prêté dans les territoires occupés. En 1992, le secrétaire d’État James Baker avait menacé le gouvernement d’Itzhak Rabin de ne pas lui accorder de garanties de prêt s’il ne gelait pas les implantations dans ces territoires, notamment à Jérusalem-Est. L’État hébreu avait obtempéré… le temps que les subventions lui soient versées !
Washington exige aussi que le matériel militaire qu’il fournit ne soit utilisé qu’à des fins défensives. Mais le Congrès a déjà constaté plusieurs violations de cet accord : en 1978, lors de l’invasion du Liban ; en 1979, après une série de raids israéliens dans le Sud-Liban ; en 1981, lors du bombardement du réacteur nucléaire irakien Osirak ; et en 1982, après une nouvelle incursion au Liban.
Enfin, les États-Unis dénient à Israël le droit d’exporter ces armes vers un pays tiers sans leur aval. Pure théorie, là encore. La conclusion d’un marché avec la Chine a provoqué, à la fin juin, la colère du Pentagone, qui souhaite voir la Knesset adopter une loi sur le contrôle des exportations militaires.

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Le système d’affectation des crédits manque à tel point de transparence qu’il nourrit tous les soupçons. On suspecte ainsi Ariel Sharon de vouloir accélérer la colonisation de la Cisjordanie après le retrait de Gaza. Quant au traitement de faveur accordé par les États-Unis à Israël, il est d’autant plus controversé qu’il s’éternise sans véritable justification.
À l’origine, les Américains étaient censés aider la démocratie israélienne naissante à survivre dans une région hostile. Il serait logique que, désormais, ils soutiennent l’Autorité palestinienne. Or cette dernière n’a reçu, jusqu’à présent, que 1 milliard de dollars par an de la communauté internationale. Une aide que les participants au sommet du G8 de Gleneagles, en juillet dernier, souhaitent voir atteindre 3 milliards de dollars par an ces trois prochaines années.

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