[Chronique] Arabie saoudite : dans l’enfer des camps anti-coronavirus pour Africains

Une enquête du britannique « Sunday Telegraph » révèle l’existence, en Arabie saoudite, de centres de rétention inhumains où des migrants africains risquent la mort au nom de la lutte contre le Covid-19.

Des journalistes affirment avoir géolocalisé en Arabie saoudite deux centres de rétention qui pourraient abriter des milliers d’Africains – notamment des Éthiopiens –, l’un à Al Shumaisi, près de La Mecque, et l’autre à Jazan, une ville portuaire. © Damien Glez

Des journalistes affirment avoir géolocalisé en Arabie saoudite deux centres de rétention qui pourraient abriter des milliers d’Africains – notamment des Éthiopiens –, l’un à Al Shumaisi, près de La Mecque, et l’autre à Jazan, une ville portuaire. © Damien Glez

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Publié le 2 septembre 2020 Lecture : 2 minutes.

Il y a tout juste un an, la révélation de l’existence d’un esclavage de migrants africains en Libye avait laissé espérer que l’abcès de l’horreur avait été percé. Mais c’est un sort guère plus reluisant que subiraient des centaines d’émigrés du continent en Arabie saoudite, si l’on en croit l’édition dominicale du quotidien britannique The Daily Telegraph.

À partir de nombreux témoignages et photographies obtenus via des téléphones introduits en fraude, mais aussi de données satellitaires, les journalistes affirment avoir géolocalisé au moins deux centres de rétention qui pourraient abriter des milliers d’Africains – notamment des Éthiopiens et, parfois, des personnes expulsées du Yémen –, l’un à Al-Shumaisi, près de La Mecque, et l’autre à Jazan, une ville portuaire.

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Conditions sordides

Les conditions décrites par l’enquête y sont littéralement sordides : des dizaines d’hommes émaciés seraient entassés dans des cellules trop exiguës, des barreaux aux fenêtres, dans une chaleur étouffante et avec à peine assez de nourriture et d’eau pour survivre.

Des cadavres laissés à l’abandon au milieu des vivants avant d’être « jetés comme des ordures »

Des témoignages, que tendent à corroborer certaines photographies, évoquent des suicides, des cadavres laissés à l’abandon au milieu des vivants avant d’être « jetés comme des ordures », des ratonnades avec fouets et cordons électriques qui expliqueraient des cicatrices visibles sur les clichés, des infections cutanées invalidantes, des troubles mentaux, des toilettes qui débordent à côté des zones de restauration…

Ces conditions de détention sont clairement déshumanisantes et « bien en deçà des normes internationales », pour Adam Coogle, le directeur adjoint de Human Rights Watch au Moyen-Orient, qui rappelle par ailleurs le niveau de richesse de l’Arabie saoudite.

Si le royaume des Saoud ne semble pas pratiquer un commerce d’esclaves formel dans ces camps, c’est un engrenage implacable qui a conduit à cette situation, un enchaînement fait d’exploitation séculaire, de choix politiciens, de géopolitique et de propagation de virus. Depuis longtemps, dans les métiers de la construction ou des tâches domestiques, l’Arabie saoudite exploite des travailleurs migrants d’Afrique et d’Asie, qui représentent un cinquième de sa population.

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Souricière pour migrants

Or trois facteurs se sont combinés, ces derniers mois, pour générer une véritable souricière pour migrants : primo, la « saudisation » de la main-d’œuvre, prônée par le prince Mohammed Ben Salman ; secundo, la pression internationale, qui a suscité un moratoire sur les expulsions massives ; tertio, le Covid-19, qui a conduit à une stigmatisation des groupes vivant dans une certaine promiscuité.

C’est donc depuis avril et la propagation de la pandémie que se seraient développés ces centres de rétention qui se muent en mouroirs. Goguenards, les gardes se laveraient de tout scrupule en jetant à la face des suppliciés le manque de réaction supposé des gouvernements africains. Les autorités saoudiennes ne sont pas plus prolixes sur le caractère officiel de ces camps.

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