Le rooibos met le bush en ébullition

Consommée en infusion, la plante a vu sa production multipliée par trente-cinq en vingt ans. Derrière ce succès international, une entreprise située près du Cap.

Les branches du buisson sont broyées, humidifiées et étalées au soleil pour qu’elles fermentent. © AFP

Les branches du buisson sont broyées, humidifiées et étalées au soleil pour qu’elles fermentent. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 14 mai 2014 Lecture : 4 minutes.

Début février, 7 heures du matin, une cinquantaine d’ouvriers sont à pied d’oeuvre dans un champ de rooibos. La ferme de Robert Bergh est située au pied du massif du Cederberg, qui domine Clanwilliam, à 220 km au nord du Cap. C’est de cette région, où le buisson pousse à l’état sauvage, que provient 90 % de la production utilisée pour la célèbre infusion sud-africaine.

Sur les collines semi-désertiques, il fait déjà plus de 25°C. Avec une serpe, les saisonniers – la plupart viennent du Lesotho et du Zimbabwe – taillent les extrémités des branches. Dès qu’ils ont rassemblé une gerbe, ils la pèsent et la chargent sur une remorque.

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Sauvage

info-rooibos JAConnue depuis toujours dans le nord de la province du Cap-Occidental, l’infusion de rooibos n’est devenue la boisson nationale qu’au milieu du XXe siècle, quand sa culture a débuté à Clanwilliam.

C’est un immigrant d’origine russe, Benjamin Ginsberg, arrivé dans la région en 1904 qui, ayant auparavant travaillé dans l’industrie du thé au Royaume-Uni, a su déceler le potentiel de la plante. Consommée en tisane, elle était alors disponible sous sa forme sauvage seulement, récoltée dans la montagne en petite quantité.

Avec le chercheur Pieter Le Fras Nortier, qui en a vanté les mérites pour la santé, il a réussi à percer le secret de sa reproduction, créé des pépinières, puis lancé sa culture avec les agriculteurs locaux.

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Depuis la fin des années 1990, cette industrie est en plein essor : sa production, de 400 t en 1996, a atteint 14 000 t en 2013, dont 10 000 t vendues par Rooibos Limited, entreprise installée à Clanwilliam. Ce groupe privé, locomotive incontestée de la filière, détient 95 % du marché sud-africain et 60 % de celui de l’export. « En 2013, notre chiffre d’affaires s’élevait à 215 millions de rands [environ 14 millions d’euros], et progressait de 5 % par an depuis 1990. Notre résultat net était de 21 millions de rands », se félicite Martin Bergh, père de Robert et directeur général du groupe.

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À la ferme, les gerbes sont broyées, étalées au sol et aspergées d’eau. Puis elles fermentent au soleil une douzaine d’heures. « Ce n’est qu’en fin de parcours que le rooibos (« buisson rouge » en afrikaans) prend sa coloration pourpre », explique Robert Bergh qui, avec 1 000 t de produit fermenté par an, est l’un des premiers cultivateurs du pays.

« L’usine se fournit auprès des agriculteurs de la région. Un bureau technique suit les certifications d’agriculture biologique et de commerce équitable, très importantes sur les marchés européen et américain », indique Gerda de Wet, responsable de la communication de Rooibos Limited.

Ventes

À l’entrée de l’usine de Clanwilliam, le rooibos est classé en quatre catégories correspondant à une qualité et à un prix (de 14,50 à 18 rands le kilo en 2014), réévaluées chaque année. « Nous effectuons deux tests contradictoires, sur la texture du rooibos, le goût et la teinte de la boisson. Nous vérifions aussi le respect des normes avec des tests microbiologiques », explique Colette Cronje, responsable du service qualité.

Broyé à nouveau, mélangé parfois avec des herbes locales comme la citronnelle et la Sutherlandia, le rooibos est alors conditionné en sacs de 60 kg ou en sachets. « Une unité d’ensachage est réservée à nos nouveaux clients, principalement étrangers, pour qui nous réalisons un premier emballage avec nos designers », indique Jaco Van Zyl, le directeur de l’unité.

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« Dès que leurs ventes décollent, ces clients reprennent à leur compte la mise en sachet et le packaging. Nous vendons à des groupes agroalimentaires qui se chargent de la distribution locale. En Afrique du Sud, nous vendons du rooibos à une cinquantaine de marques. Si nous n’avions que la nôtre, le client se lasserait », explique Martin Bergh.

Santé et bien-être sont au coeur de la stratégie de développement de la filière. À la différence du thé et du café, l’infusion de rooibos ne contient pas d’excitant, mais des antioxydants, de la vitamine C et des sels minéraux. Un argument en or, notamment à l’exportation, où les résultats ont explosé depuis la fin de l’embargo lié à l’apartheid. En 2013, 50 % des ventes ont été réalisées à l’étranger, en Afrique australe et surtout en Europe.

À l’avenir, le patron de Rooibos Limited mise sur le concentré d’extraits naturels. « Nous avons investi 25 millions de rands environ dans des installations destinées à fournir nos plus grands clients, notamment Nestlé, qui souhaitait fabriquer du thé glacé de manière industrielle. À terme, l’Ice Tea ou le Nestea au rooibos seront distribués dans une quinzaine de pays », indique Van Zyl, pour qui ce produit ouvre des perspectives aussi bien auprès des jeunes Sud-Africains qu’auprès des consommateurs étrangers.

Un nom 100% Sud-Af’

Alors que la plante peut être cultivée sous d’autres latitudes de climat méditerranéen et même s’il n’existe pas encore d’appellation d’origine contrôlée dans la nation Arc-en-Ciel, les Sud-Africains veillent à ce que le nom “rooibos“ ne soit utilisé que pour la production locale. Aux États-Unis, les producteurs sud-africains ont déjà déposé la marque. Cette protection a également été demandée pour la zone Union européenne. 

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