Vers l’Europe à contre-saison

Le pays veut retrouver l’activité maraîchère qui faisait sa richesse il y a quinze ans.

Publié le 15 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

« Vous voyez le camion bleu ? Il redescend au Ghana. Il peut en passer une centaine par jour sur cette route », indique Congo, installé au volant de son 4×4. Arrêté au péage nord de Ouagadougou, sur la Nationale 4, le véhicule transporte une cargaison de tomates. Ghanéens, mais aussi togolais, béninois, maliens ou nigériens : depuis quelques mois, les poids lourds de toute la sous-région sillonnent les routes de la principale zone maraîchère du Burkina. À la grande satisfaction des autorités locales.
Pour améliorer le sort des agriculteurs, mais aussi faire face aux dangers de la monoculture cotonnière, le gouvernement compte sur une diversification de la production. Et notamment sur le redémarrage des produits de contre-saison, qui ont fait, il y a quinze ans, la richesse de l’activité maraîchère du pays. Dominé par deux opérateurs – l’Union des coopératives agricoles et maraîchères du Burkina (Ucobam) et la Flex Faso -, le secteur exportait alors 5 000 t de haricots et 2 000 t de mangues chaque année, principalement en direction des marchés européens.
Ces performances restent, pour l’heure, très éloignées : le pays a péniblement évacué 700 t de haricots verts l’an passé Parcelles exiguës et éclatées, rendements limités, techniques archaïques, absence d’industrie de valorisation, gaspillage : le secteur a manqué le train de la modernisation au début des années 1990. Il en paie encore le prix. Même si d’autres facteurs contribuent à expliquer les difficultés. Le Faso reste ainsi très dépendant des caprices du marché français, destination de 90 % de ses haricots verts et de 80 % de ses mangues. Il doit aussi compter avec une concurrence beaucoup plus féroce, alors que ses coûts de production demeurent élevés. À leur tour, le Sénégal, le Kenya, le Maroc et Israël se sont lancés dans la filière. Quand Dakar et Rabat dépensent 1,50 euro pour envoyer un kilo de haricots verts en Europe, le Burkina doit payer 2,10 euros
Malgré les apparences pourtant, le secteur se reconstruit progressivement. En 2005, fruits et légumes sont devenus le troisième poste d’exportation du Faso. La filière génère, par ailleurs, 5 % du PIB. Des infrastructures d’envergure ont vu le jour. En novembre 2004, une Société burkinabè de fruits et légumes (Sobfel), chargée de produire, collecter et commercialiser les produits maraîchers, a été créée. Sa mission ? Servir de locomotive au secteur. Dernièrement, trois chambres froides d’une capacité de 45 t chacune ont également été réhabilitées à l’aéroport international de Ouagadougou pour le stockage des haricots verts, et un terminal fruitier capable de traiter 10 t de mangues à l’heure vient d’être inauguré à Bobo-Dioulasso. Deux installations auxquelles viendront s’ajouter d’ici à 2015 plus de 55 000 ha de terres irriguées, grâce à un vaste programme gouvernemental de développement de la petite irrigation villageoise et au lancement, fin 2006, d’un Programme d’appui aux filières agro-sylvo-pastorales (Pafasp) par la Banque mondiale. « La culture pluviale a ses limites, et les techniques actuelles d’irrigation font perdre beaucoup d’eau, explique Ibrahim Nébié, spécialiste des questions agricoles au sein de l’institution. L’extension des terres irriguées est l’un des principaux défis que doit relever le Burkina s’il veut faire face aux sécheresses et poursuivre l’activité agricole pendant la saison sèche. »
Pour Sidiki Sanogo, le directeur général de la Sobfel, il faut, parallèlement, que les producteurs s’adaptent à la demande. « Aujourd’hui, nous produisons surtout des mangues Amélie qui ne sont plus appréciées des consommateurs européens, ?analyse-t-il. Il faut donc privilégier des variétés plus sucrées et plus colorées, comme la Kent, la Keitt et la Valencia, dans le cadre des travaux de réhabilitation des vergers », conclut-il.
D’ici à la fin de la prochaine décennie, Sanogo s’est fixé un objectif : « Atteindre 100 000 t de mangues colorées exportables pour rentabiliser le terminal fruitier, contre 16 000 t de mangues Amélie aujourd’hui. »

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