Sur la voie du Sud-Soudan

Un accord entre Khartoum et les rebelles a été arraché le 5 mai. La confiance n’est pas pour autant revenue. Trop de questions restent en suspens.

Publié le 15 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Les conditions dans lesquelles l’accord de paix au Darfour préparé par les médiateurs de l’Union africaine et soutenu par les États-Unis et l’Union européenne a été signé le 5 mai à Abuja en dit long sur sa fragilité, même si presque tout le monde s’accorde à dire qu’il constitue un premier pas vers la paix.
Il a fallu les pressions des États-Unis, de l’Union européenne, de l’Union africaine (UA) ainsi que du président nigérian Olusegun Obasanjo pour que Minni Minnawi, secrétaire général du principal mouvement rebelle Armée de libération du Soudan (ALS), accepte de le parapher, du bout des doigts. D’ailleurs, tout a failli capoter lorsqu’il a appris que son frère cadet venait d’être tué au Darfour. « Affecté et devenu encore plus suspicieux, raconte un témoin, Minnawi s’est fait réticent alors que nous préparions la cérémonie de paraphe sous la lumière des téléphones portables en raison d’une panne d’électricité. Il a fallu qu’Obasanjo le rabroue en lui disant que son frère ne serait pas mort si la signature avait eu lieu quatre jours plus tôt dans les délais prévus. »
Les deux autres factions rebelles ont, elles, obstinément refusé alors que, de l’avis général, elles ont vu la plupart de leurs demandes satisfaites et la possibilité de conquérir le pouvoir dans des élections démocratiques ouvertes (voir encadré ci-dessous). Il s’agit d’une faction dissidente, qui continue à se réclamer de l’ALS, et du Mouvement pour l’égalité et la justice (MEJ). Ils se trouvent désormais exposés à des sanctions internationales s’ils persistent dans leur obstruction. Militairement moins importantes sur le terrain que la faction de Minnawi, ces deux irréductibles n’en gardent pas moins un pouvoir de nuisance. D’autant qu’ils peuvent faire de l’agit-prop dans les camps de réfugiés, où la compétition politique oppose l’ethnie zagawa de l’ex-professeur d’histoire Minnawi (ALS) à celle des Furs d’Abdelwahed Mohamed el-Nour (dissidents ALS). Sans oublier le MEJ, né d’une nébuleuse créée par Hassan el-Tourabi pour marquer davantage sa défiance vis-à-vis du régime de Khartoum.
L’activisme des deux factions qui ont rejeté l’accord de paix peut gêner le rétablissement de la confiance susceptible de ramener au bercail des centaines de milliers de personnes qui avaient fui l’insécurité depuis le déclenchement de la rébellion en février 2003 pour vivre dans des camps de réfugiés. Or le maintien du cessez-le-feu et le retour des personnes déplacées sont les points centraux de l’accord d’Abuja. Leur remise en cause rend plus difficile la poursuite de la mission d’observateurs de l’UA dont le document d’Abuja prévoit le maintien tout en n’excluant pas que les Nations unies puissent envoyer leurs propres forces sur le terrain.
C’est sur ce dernier point que le débat se corse. Sur proposition de Washington, le Conseil de sécurité de l’ONU a été chargé d’entamer les préparatifs pour l’envoi de Casques bleus onusiens, et George W. Bush a demandé au président Omar el-Béchir de leur ouvrir la porte du Darfour. Ce dernier n’est pas chaud, son opinion publique non plus, qui ne verrait pas d’un bon il des forces multinationales, déjà à pied d’uvre au Sud-Soudan depuis l’année dernière, venir renforcer leur présence dans le pays. Cette perspective n’est pas davantage du goût de plusieurs pays africains, qui, en lançant l’UA en 1999, s’étaient juré que les Africains régleraient seuls leurs conflits.
Une polémique pourrait s’engager entre les Américains, qui prétendent que les forces de l’UA n’ont pas été capables de maintenir la sécurité au Darfour, et les chefs militaires du continent, qui rappellent que cette région est aussi vaste que la France, et qu’ils ne disposent que de 6 500 hommes et quelques véhicules légers pour des patrouilles à découvert. Qu’on leur donne au moins 15 000 à 20 000 hommes, des hélicoptères armés et des avions de reconnaissance, des véhicules blindés, deux fois moins d’argent de budget que le milliard de dollars prévu par Washington, et ils pourront faire le travail eux-mêmes.

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