Banques africaines et Covid-19 : gagnants, perdants et rescapés…
À mi-exercice, comment la crise sanitaire a affecté les résultats des principaux établissements financiers du continent ?
Une nouvelle ère pour la finance africaine
Fragilisé par la pandémie, le secteur financier accélère sa transition numérique. mais doit aussi composer avec la nouvelle concurrence des acteurs des TIC.
À mesure qu’avance la saison des résultats intérimaires, l’ampleur de la crise du Covid-19 sur les sociétés se précise. Et pour les banques du continent, qui ont été fortement ébranlées au premier trimestre, au commencement de la crise, cet exercice de mi-parcours est encore périlleux.
Alors, profitables ou moins profitables qu’au premier semestre de l’année précédente ? Et dans quelle mesure ? Qu’en est-il de la rentabilité ? Jeune Afrique passe au crible le secteur bancaire africain.
Croissance à deux chiffres
- First Bank of Nigeria
First Bank of Nigeria enregistre de bonnes performances au premier semestre. Son bénéfice après impôts est en nette hausse de +56 % sur un an. Il atteint 49,5 milliards de nairas (130 millions de dollars). Les revenus sont cependant en recul, avec un produit net bancaire de 131,3 milliards de nairas (-7,4 %).
Deux éléments sont à prendre en considération. D’abord, la cession de 65 % des parts de FBN Holdings dans FBN Insurance à l’assureur sud-africain Sanlam est devenue effective au 1er juin, en plein coeur de la crise. Le cash dégagé grâce à cette opération a renforcé les bénéfices affichés au premier semestre et ont permis au holding bancaire de booster le capital de la banque à hauteur de 25 milliards de nairas.
- Coris Bank
Le groupe bancaire de l’entrepreneur burkinabè Idrissa Nassa évoque « la bonne tenue des marges d’intermédiation sur l’activité de la clientèle et de la trésorerie, ainsi que l’évolution appréciable des marges sur commissions » pour justifier ses résultats.
Son produit net bancaire : en progression (+18,8 %), à 32 milliards de F CFA (57 millions de dollars) au premier semestre.
Son résultat net : en croissance également (+22 %) au 30 juin, à 16 milliards de F CFA.
À lire sur Jeune Afrique Business+ : Coris (Idrissa Nassa) en tête des groupes bancaires ayant souscrit aux bons Covid-19 de l’UMOA
Stabilité relative
- Ecobank
La première banque d’Afrique de l’Ouest met en avant sa résilience pour présenter ses performances des six premiers mois de l’année. « Nos résultats financiers pour la période ont été encourageants, malgré les effets défavorables des taux de change et du Covid-19 », a commenté Ade Ayeyemi, le DG d’Ecobank.
Son produit net bancaire : quasi stable (-1 %) à 770 millions de dollars, contre 775 millions au premier semestre 2019
Son bénéfice net : en recul (-22 %) à 128 millions de dollars, contre 164 millions un an auparavant.
Sa rentabilité (ROE) au premier semestre de 2020 atteint 6,7 %, alors qu’elle était de 9,1 % un an auparavant.
- Groupe BCP
Autre établissement financier qui semble avoir préservé profitabilité et rentabilité à la mi-année, le marocain Banque centrale populaire (BCP) présidé par Mohamed Karim Mounir. Et alors que le résultat net du groupe recule fortement, l’intégration en fin d’année dernière des ex-filiales du français BPCE en Afrique a joué positivement sur sa performance au premier semestre de 2020.
Son produit net bancaire : en croissance (+13,9 %) à 10 milliards de dirhams, soit près de 1,1 milliard de dollars.
Son bénéfice net consolidé : chute de -48,3 %, à 1 034 millions de dirhams (113 millions de dollars).
Ce net recul du bénéfice reflète en partie une très forte augmentation de son coût du risque. Il a atteint 3 milliards de dirhams au premier semestre 2020, contre 1,38 milliard il y a un an. « Cette augmentation est due à l’intégration des provisions [comptables] IFRS en anticipation des impacts de la pandémie Covid-19 sur l’économie, ainsi que des provisions de recouvrement pour les clients du groupe en confinement », explique le groupe de Mohamed Karim Mounir.
- Bank of Africa (BOA)
C’est également une certaine stabilité, malgré la tempête coronavirus qui marque les résultats intérimaires de l’ex-BMCE Bank, renommé à la fin 2019 Bank of Africa (BMCE Group), du nom de l’établissement qu’elle a absorbé en 2008. Le groupe contrôlé par Othman Benjelloun est implanté dans treize pays africains, ainsi qu’en Europe.
Son produit net bancaire : stable à 7 milliards de dinars (761 millions de dollars) au 30 juin pour le groupe, contre 3,6 milliards (+3,4%) pour la principale filiale au Maroc.
À noter que ses autres indicateurs financiers, en dehors du niveau des dépôts et des crédits à la clientèle, n’ont pas été présentés pour le premier semestre.
Il est à noter que BOA Burkina, coté à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) à Abidjan, a enregistré un appréciable hausse de revenus au 1er semestre (+12 %) à 23,2 milliards de F CFA, pour un résultat net (+1,9 %) de 9,3 milliards.
Chutes vertigineuses
Du côté de l’Afrique anglophone, les premiers résultats publiés, que ce soit au Nigeria avec la déroute du pétrole et celle du naira, ou en Afrique du Sud, les baisses de revenus se présentent (globalement) comme les plus fortes.
- Standard Bank Group
Le poids lourd sud-africain, piloté par Sim Tshabalala, a pu limiter la casse en raison de sa forte empreinte continentale. Six de ses pays d’implantation (Angola, Ghana, Kenya, Mozambique, Nigeria et Ouganda) ont compensé la chute brutale des bénéfices du groupe dans la nation Arc-en-ciel (+11 % contre -72 % pour Standard Bank Afrique du Sud).
Parmi les quelques indicateurs présentés qui sont pertinents pour être comparés aux autres groupes bancaires, on retrouve donc : des revenus en recul de -7% à 61,5 milliards de rands (3,56 milliards de dollars), pour un bénéfice de 7,5 milliards de rands, en baisse de -44 % par rapport au premier semestre de 2019. « Les charges de dépréciation des crédits ont augmenté à 11,3 milliards de rands, soit 2,7 fois le niveau de la période précédente (1er semestre 2019), ce qui reflète l’environnement et les perspectives difficiles », explique le groupe. Le ROE est de 8,5 % au premier semestre (9,5 % l’année précédente).
- Nedbank
Cinquième groupe bancaire d’Afrique du Sud en 2019 (en total de bilan), Nedbank présente également des baisses vertigineuses de certains de ces indicateurs de profitabilité.
Le groupe explique avoir été notamment touché en raison d’une « augmentation significative des dépréciations d’actifs », « de l’impact du Covid-19 », ou encore « de la réévaluation négative de certains investissements non encore réalisés et affectés par la chute des marchés ». Son bénéfice (headline earnings) est en forte baisse (-69 %) à 2,1 milliards de rands. Quant à la rentabilité des fonds propres de Nedbank, elle recule brutalement à 4,8 %, contre 16,8 % au premier semestre 2019.
- Kenya Commercial Bank
Dans l’Est du continent, la première banque kényane présente un bilan en demi-teinte à mi-parcours. Alors que KCB a choisi, comme de nombreuses banques affectées par les conséquences de la pandémie, d’augmenter fortement ses provisions pour couvrir l’augmentation de son risque crédit. Son résultat après impôt chute de -40 %, à 7,6 milliards de shillings (71 millions de dollars).
La plupart des filiales du groupe bancaire dirigé par Joshua Oigara ont maintenu les ratios de capital minimum nécessaire. Cependant, la filiale nouvellement acquise National Bank of Kenya est en deçà des règles. KCB projette d’injecter des capitaux supplémentaires d’ici à la fin de l’année pour mettre sa filiale en conformité.
- Equity Bank
Même écho du côté d’Equity Bank dont les bénéfices semestriels ont chuté de -24 %, à 9,1 milliards de shillings (84 millions de dollars) au cours des six premiers mois de l’année.
Un résultat que James Mwangi, le DG du groupe kényan, attribue à la «multiplication par 15 de leurs provisions pour pertes sur prêts en répercussion des risques associés à la gestion et au contrôle du Covid-19, et aux chocs économiques et aux perturbations des chaînes d’approvisionnement pendant le confinement ».
Lire aussi : Classement 2019 des 50 banques africaines les plus rentables, sous le signe de l’accroissement des marges
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