[Tribune] Covid-19 au Maroc : c’est notre deuxième chance, nous n’en aurons pas de troisième

Alors que le coronavirus semble ralentir en Afrique, le royaume enregistre une hausse préoccupante des cas. Les Marocains doivent changer leurs comportements pour enrayer la propagation du virus.

Port du masque sur la plage de Sale, au Maroc, le 26 juin 2020. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Port du masque sur la plage de Sale, au Maroc, le 26 juin 2020. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

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  • Rajae Ghanimi

    Médecin, Secrétaire générale adjointe du réseau des économistes de santé du Maghreb et écrivaine

Publié le 4 septembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Cela fait deux mois que le Maroc est sorti du confinement. En Afrique, les statistiques donnent à penser qu’on assiste actuellement à une décrue de la pandémie de coronavirus mais attention : il s’agit d’une illusion. Car chaque cas testé positif est en fait un arbre qui cache une forêt de sujets contacts.

La situation est grave, quoique les chiffres puissent laisser penser. Elle nécessite une augmentation de la capacité d’accueil des infrastructures sanitaires et davantage de ressources humaines pour dépister les personnes potentiellement infectées, pour suivre les cas contacts mais aussi pour traquer les positifs asymptomatiques qui circulent librement et cohabitent avec des sujets négatifs.

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Problème : alors qu’ils sont plus indispensables que jamais, les professionnels de santé sont aujourd’hui démotivés et surtout épuisés par vingt-quatre semaines de travail intensif et ininterrompu.

Augmentation exponentielle

Au Maroc, on se réjouit de la signature récente d’un accord de coopération avec le laboratoire chinois Sinopharm CNBG : le royaume va participer aux essais cliniques multicentriques d’un vaccin contre le Covid-19. Ce qui permettra au citoyen marocain d’être parmi les premiers servis en matière de vaccination contre le coronavirus. Mais cela ne doit pas faire oublier que la situation épidémiologique, elle, est de plus en plus inquiétante.

Le Maroc est le troisième pays africain le plus touché après l’Afrique du Sud et l’Égypte

Au moment où j’écris ces lignes, le virus continue à sévir un peu partout dans le monde. Plus de 26 millions de personnes ont été touchées et plus de 860 000 sont décédées, dont plus de 30 000 en Afrique. Au Maroc, le nombre de cas positifs approche les 67 000. 1 253 patients sont morts, dont plus de 600 (soit presque la moitié) durant le seul mois d’août. C’est le pourcentage le plus élevé qu’a enregistré le royaume depuis le début de l’épidémie.

Cette évolution de la situation épidémiologique a fait grimper le royaume, qui fut pourtant longtemps salué pour sa gestion de la crise, de cinq places au classement des pays les plus infectés, pour se hisser au 47e rang mondial. Sur le continent, il est le troisième pays le plus touché après l’Afrique du Sud et l’Égypte.

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Le fruit de nos dénis

Soyons lucides : cette augmentation exponentielle est le fruit de de nos dénis, de notre conviction selon laquelle « ça n’arrive qu’aux autres ». Nous, Marocains, avons choisi de refuser les injonctions de la pandémie et de vivre une « normalité virtuelle ».

C’est notre deuxième chance face au virus, nous n’en aurons pas de troisième.

Nous avons cru que le réel obéirait à nos fantasmes, que le coronavirus était « un gros mensonge ». Nous avons choisi de continuer à faire la fête, à célébrer nos cérémonies, à profiter de nos vacances et à ne plus prêter attention aux avertissements des scientifiques. Nous avons oublié tout ce que les premiers mois de cohabitation avec cet « ennemi » nous avaient appris.

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Or la distanciation sociale, le port du masque, le lavage des mains et l’auto-quarantaine restent impératifs. Ils constituent notre nouveau mode de vie en 2020. Et même en respectant ces règles, nous ne ferons que réduire le risque d’infection car le virus est là, tout autour de nous, partout dans nos vies. Ces gestes sont nécessaires, mais pas suffisants.

Si nous voulons, comme nos politiques l’évoquent, rouvrir les écoles de manière sûre – ce qui à mon avis est impossible – , si nous voulons relancer l’économie, c’est notre façon de vivre et de penser qui doivent changer. Nous devons enfin tirer les leçons de la période de confinement total qui a déstabilisé toute notre société, reconfiguré notre logiciel social et rendu obsolète tout ce que nous tenions pour acquis.

Et nous devons le faire maintenant. C’est notre deuxième chance, nous n’en aurons pas de troisième. Si nous n’enrayons pas la propagation du virus maintenant, nous risquons de faire face à une tragédie comme on en a peu connu dans l’histoire de l’humanité.

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