Quand la Libye sourira

Publié le 15 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

C’est à croire que personne ne sourit à Tripoli. Le premier visage renfrogné se rencontre dès l’atterrissage, celui d’un policier en civil qui ordonne aux voyageurs de se mettre en file indienne devant le comptoir de contrôle des passeports. Deux hommes se chargent de l’opération, une petite caméra est fixée derrière chacun d’eux. Pas un mot, aucune explication. Les passeports, confisqués, seront rendus le lendemain, munis d’un visa de sortie. Le jour du départ, ils recevront encore deux coups de tampon. Deux contrôles successifs, guère plus aimables.

Depuis la levée partielle de l’embargo, en avril 1999, mettant fin à sept années d’isolement, la Libye s’ouvre – à grande vitesse, dit-on – aux investissements étrangers. Pour le visiteur, l’accélération est surtout manifeste sur les routes. Elles sont larges et la circulation est intense. La vente d’alcool est interdite, mais il faut croire que les Libyens se laissent aller à l’ivresse de la conduite : ils roulent vite, ne respectent pas les feux rouges et doublent sur le bas-côté. Jeudi soir, veille de week-end, cette impression se confirme aux abords de la « place rerte », au cur de la capitale. Jusqu’à une heure avancée de la nuit, ceux qui ne se prélassent pas à la terrasse d’un café autour d’une chicha (narguilé) restent dans leur voiture. Ils tournent et slaloment autour de la place, faisant rugir moteurs et autoradios. Pas de filles à l’horizon. Il y a pourtant autant de femmes que d’hommes dans ce pays. Elles ne représentent que 33 % de la population active.
La densité et la jeunesse du parc automobile donnent une impression de richesse. Le litre d’essence coûte 0,16 euro, environ dix fois moins qu’en France. Nous ne verrons aucun concessionnaire. La Libye est le pays du petit et du moyen commerce. Certains importent des automobiles neuves, le plus souvent de Dubaï, puis les exposent devant leur boutique. Ils ont plusieurs marques, la plupart japonaises, plusieurs modèles, la couleur blanche semblant être de mise. Le long de la route, les commerces se succèdent : des autos, des pneus, des pièces détachées. Puis on passe à l’aménagement de la maison : des meubles, des jouets, des portes d’entrée, des portails. Entre deux villages, ce sont les murailles qui défilent. Demeure, jardin ou champ d’olivier, autant d’enclos protégés par un mur de près de 2 mètres de haut.

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Il n’y a pas de publicité commerciale, mais beaucoup de panneaux d’affichage. Ils sont bien plus nombreux que les panneaux indicateurs, qui n’indiquent une direction que si on lit l’arabe. Grâce aux images, la propagande est plus compréhensible. Il est question du 36e anniversaire de la révolution, ou de l’Afrique qui se libère de ses chaînes. Sur quelques affiches, une phrase en anglais : « L’Afrique ne vivra pas des offrandes du G8. » À l’entrée de Tripoli, les habitations, elles aussi cernées de murailles, sont dans un triste état. Un peu plus loin et jusque dans le centre-ville, de nombreux immeubles ont été construits. Flambant neufs et encore inoccupés : tous les volets sont fermés et les parkings sont déserts.
L’ancienne ville romaine de Sabratha et, plus encore, celle de Leptis Magna renferment des merveilles à couper le souffle. Les rares guides consacrés à la Libye répertorient bien d’autres cités chargées de tradition ou d’histoire. Le long de la route qui mène à Leptis Magna, les plages, dunes ou forêts sont immenses. Mais tout est très sale. Les décharges sauvages paraissent se multiplier, y compris dans le centre de la capitale, traversée par une rivière à sec dont le lit accueille tous les déchets, sacs plastiques, pneus ou réfrigérateurs. Le tourisme est incontestablement un atout majeur du pays. Il faut y aller, d’autant qu’il est peu connu et peu fréquenté. Même si les hôtels et les restaurants sont rares. Mais cela viendra. Comme les sourires à l’aéroport.

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