Mali : Ibrahim Boubacar Keïta a quitté Bamako pour Abu Dhabi
L’ex-président du Mali a quitté samedi soir Bamako pour des soins aux Émirats arabes unis, plus de deux semaines après son renversement par la junte.
Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), « a quitté par vol spécial Bamako cette nuit pour Abu Dhabi pour des soins » médicaux, a dit une source aéroportuaire. La famille de l’ex-président a confirmé, indiquant qu’ »il a été autorisé à partir avec deux personnes à Abou Dhabi » à bord d’un avion envoyé par les Émirats.
« Nous avons effectivement pour des raisons humanitaires accepté son départ (de Bamako) mais à des conditions », a dit samedi, sans plus de précisions, un responsable de la junte qui a renversé le 18 août le président Keïta.
Le départ du Mali pour des soins à l’étranger d’IBK, 75 ans, avait été évoqué peu après sa chute le 18 août. Il s’est précisé en début de semaine à la suite, selon ses médecins, d’un court AVC pour lequel il a été hospitalisé mardi dans une clinique de Bamako qu’il a quittée jeudi.
Ouverture des consultations
Le « Comité national pour le salut du peuple » (CNSP) mis en place par les putschistes a ouvert samedi à Bamako des concertations sur la transition, qui doivent se poursuivre jusqu’au 12 septembre.
« Nous abordons une nouvelle histoire de notre pays. Cette étape cruciale nécessite une profonde réflexion et l’implication de l’ensemble des filles et des fils de la nation », a déclaré à l’ouverture des travaux Malick Diaw, numéro deux du CNSP.
Aucun représentant de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ex-rébellion à dominante touareg, signataire de l’accord de paix de 2015, n’était présent.
Dans un communiqué, la CMA juge que « les mesures de confiance nécessaires à la construction d’un partenariat pour des responsabilités partagées ne semblent pas d’actualité ». La CMA « ne saurait cautionner aucun processus sans concertations participatives et consensuelles », ajoute-t-elle.
À Kidal, « les concertations ont été reportées faute de compromis entre le CNSP et la CMA », a dit samedi un responsable administratif.
Pression internationale
La junte a promis une transition vers un pouvoir civil. Mais la forme et la durée de cette transition, deux sujets de friction avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) qui a imposé des sanctions aux nouveaux dirigeants militaires, ne sont pas encore fixées.
Pour les militaires, le temps presse : les dirigeants ouest-africains, qui ont réclamé une « transition civile » et des élections sous 12 mois, se réunissent lundi avec le Mali en tête de l’ordre du jour.
Le lancement de la consultation avait subi un sérieux contretemps il y a une semaine. Les militaires l’avaient reportée, en pleine querelle avec un acteur primordial de la crise, le Mouvement du 5-Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).
Le M5-RFP propose une transition de 18 à 24 mois
Le M5-RFP, ulcéré de ne pas avoir été invité à la première rencontre, figure cette fois explicitement parmi les participants annoncés, avec les partis politiques, les organisations de la société civile, d’anciens groupes rebelles, les syndicats et la presse.
Le M5-RFP, qui a canalisé l’exaspération des Maliens contre le président déchu, réclame d’être placé sur un pied d’égalité avec la junte. Il l’avait accusée de chercher à « confisquer » le changement et sa figure tutélaire, l’imam Mahmoud Dicko, a prévenu les militaires qu’ils n’avaient pas « carte blanche ».
Depuis, et après s’être d’abord surtout entretenus avec les représentants étrangers pour les rassurer mais aussi demander la levée des sanctions de la Cedeao, les militaires ont reçu les représentants du M5-RFP et ceux de partis ou de syndicats.
Chacun a exposé sa vision sur la transition. La junte a proposé initialement une durée de trois ans sous la conduite d’un militaire, avant de rabaisser la barre à deux ans. Le M5-RFP a de son côté proposé une transition de 18 à 24 mois, avec des civils aux commandes.
Militaires français tués dans le Nord
Samedi matin, deux militaires de la force française au Sahel Barkhane ont été tués dans le nord du Mali par un engin explosif artisanal, pour la première fois depuis le coup d’État.
Ces derniers mois, l’armée française et celles des pays africains du G5 Sahel ont multiplié les offensives, en particulier dans la zone dite des « trois frontières » entre Mali, Niger et Burkina Faso. Elles ont revendiqué la « neutralisation » de plusieurs dizaines de jihadistes, dont l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’Algérien Abdelmalek Droukdal, en juin.
Mais une certaine inquiétude pointe en France depuis le putsch.
Dans son communiqué annonçant la mort des deux militaires français, Emmanuel Macron a ainsi appelé « à la mise en place sans délai d’une transition politique civile au Mali, conformément aux attentes de son peuple, de l’ensemble des pays qui le soutiennent, et condition sine qua non d’une lutte efficace contre les terroristes ».
L’armée française affirme cependant que les opérations sur le terrain et la coopération entre Barkhane et les forces maliennes n’ont pour l’heure pas été impactées par le coup d’État.
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