Le Polisario déclenche la lutte armée

Publié le 15 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Le 10 mai 1973, le Frente popular de liberación del Saguia el-Hamra y Río de Oro (Polisario) tient son congrès constitutif près de Zouérate, dans le nord de la Mauritanie. Son slogan : « Par le fusil, nous arrachons notre liberté ! » Dix jours plus tard, des guérilleros sahraouis dirigés par Mustapha Sayed el-Ouali, le leader du mouvement, attaquent un poste militaire espagnol à El-Khanga, dans le nord-est du territoire.

Mais la puissance coloniale est beaucoup plus préoccupée par l’alliance naissante entre le Maroc et la Mauritanie. Alors que les deux pays ont longtemps, chacun de son côté, revendiqué la totalité du territoire du Sahara occidental, Hassan II et le président Mokhtar Ould Daddah se sont en effet mis d’accord, un an auparavant, pour se le partager. En attendant, ils sont convenus de jouer la même partition sur la scène diplomatique, afin d’inciter l’ONU à saisir la Cour internationale de justice de La Haye et de contraindre les Espagnols à plier bagage.
L’axe Rabat-Nouakchott obtient vite le soutien de la Ligue arabe et de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Même l’Algérie du président Houari Boumedienne donne, dans un premier temps, sa bénédiction au compromis, avant de faire volte-face et de s’y opposer farouchement. Dès la fin de 1975, l’Espagne prend conscience que la partie n’est plus jouable : l’ONU la presse de décoloniser, et le royaume chérifien fait montre d’une grande détermination. Le 6 novembre, Hassan II lance la Marche verte : 350 000 civils marocains pénètrent dans la zone comprise entre la « frontière » administrative du Sahara occidental et la « frontière » militaire, puis font demi-tour. Aucun coup de feu n’a été tiré, mais, alors que le général Franco agonise, les dirigeants espagnols s’inclinent : le 14 novembre, à Madrid, ils acceptent de céder le contrôle du territoire au « couple » maroco-mauritanien. L’accord est entériné par la Jemaa (« Parlement ») sahraouie et communiqué à l’ONU.
Dossier clos ? C’est ne pas compter avec l’hostilité des dirigeants du Polisario, pour la plupart frais émoulus des universités marocaines. En décembre 1975, avant même l’entrée des troupes de Nouakchott dans la partie méridionale du territoire, les colonnes du Polisario attaquent les localités mauritaniennes d’Aïn Bentili et de Bir Mogreïn. Un mois plus tôt, Boumedienne avait menacé Ould Daddah, comme le raconte ce dernier dans ses Mémoires : « Si la Mauritanie signe l’accord de Madrid, l’Algérie mettra à la disposition des combattants sahraouis tous les moyens matériels et humains nécessaires pour défendre leur territoire. Votre pays étant le maillon le plus faible, il sera le premier à subir [des] attaques. »
Mais le chef de l’État algérien s’efforce avant tout d’empêcher un renforcement de son voisin marocain, auquel l’opposent de sérieux différends. Le Parlement marocain n’a d’ailleurs toujours pas ratifié l’accord, signé en 1972, sur le tracé des frontières entre les deux pays. Et puis, en pleine guerre froide, il est logique que le régime socialiste algérien s’efforce de tenir la dragée haute à cette monarchie pro-occidentale qu’est le Maroc. D’autres alliés de l’ex-Union soviétique, comme la Libye (jusqu’en 1986) et Cuba, livrent au Polisario armes et munitions.

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Forts de leur mobilité et de leur parfaite connaissance du terrain, les combattants du Polisario mènent plusieurs opérations spectaculaires contre les forces coalisées du Maroc et de la Mauritanie. Le 6 juin 1976, Mustapha Sayed est tué aux portes de Nouakchott, à l’issue de sanglants accrochages avec l’armée mauritanienne. Les Forces armées royales (FAR) sont harcelées. En 1978, la chute d’Ould Daddah et le retrait de la Mauritanie du Río de Oro – aussitôt récupéré par les Marocains – laisseront les soldats marocains seuls face aux guérilleros sahraouis. La construction par les FAR d’un « mur de sécurité » – achevé en 1987 – entravera sensiblement la liberté d’action de ces derniers, qui finiront, en 1988, par accepter le cessez-le-feu proposé par l’ONU. Même s’ils ne veulent pas le reconnaître, les dirigeants sahraouis savent désormais que le sort du territoire sera scellé par la diplomatie, et non par les armes.

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