Lente mutation

Depuis l’avènement de la téléphonie mobile, en 1998, la libéralisation piétine.

Publié le 15 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

L’année 2006 devrait être celle où les télécoms burkinabè couperont définitivement le cordon avec l’État. D’ici à la fin décembre, elles auront achevé leur mue, passant intégralement, et définitivement, sous la coupe du secteur privé. La libéralisation de la téléphonie mobile, en 1998, a constitué la première étape de ce processus. Grâce à quoi, deux sociétés privées, Celtel et Telecel, sont venues concurrencer l’opérateur public de cellulaire, Telmob, filiale de l’Office national des télécommunications (Onatel). Un nouveau cap a ensuite été franchi le 31 décembre dernier, quand l’Onatel a perdu son monopole sur la téléphonie fixe.
Mais c’est pour la fin de cette année que le plus important bouleversement est annoncé. En novembre ou en décembre prochains au plus tard, le gouvernement devrait communiquer le nom de l’opérateur stratégique à qui il cédera 51 % des parts de l’Onatel, dont il ne restera actionnaire qu’à hauteur de 23 %. Objectif : faire en sorte que la nouvelle structure soit opérationnelle au 1er janvier 2007. D’ici là, tout doit aller très vite. Depuis le 5 mai, date butoir de l’avis d’appel à manifestation d’intérêt, le ministère du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat connaît les sociétés intéressées par l’acquisition. Pour faire son choix, il n’attend plus désormais que la formulation de leurs offres de reprise, qui devraient intervenir au mois de septembre.
Pour Placide Somé, le président de la Commission de privatisation, le passage complet du secteur au privé ne peut que contribuer à son développement. Grâce à l’arrivée d’un professionnel international dans son capital, l’Onatel, première société de la filière, « va non seulement assurer sa pérennité financière, mais accroître ses capacités d’investissement », prédit-il. Il est vrai que les défis sont nombreux. Avec 750 000 abonnés à la téléphonie mobile dans un pays qui compte plus de 12 millions d’habitants, les trois opérateurs nationaux espèrent évidemment continuer à équiper la population. Seul hic : ils doivent de plus en plus compter avec des clients au budget limité et donc élaborer sans cesse de nouveaux produits pour s’assurer de leur solvabilité (cartes de prépaiement, « cartes liberté », etc.). En matière de téléphonie fixe, les sollicitations se multiplient. « En ville, nous avons encore un grand nombre de demandes non satisfaites, explique Tewende Dayama, chef du département communication et relations publiques de l’Onatel. Quant aux zones rurales, il est impératif de mieux les desservir si l’on veut réduire la fracture numérique au Burkina. » Relier les zones rurales au réseau est certes une nécessité pour le téléphone, mais encore plus pour l’Internet. Les liaisons à haut débit de type ADSL sont encore rares, y compris dans la capitale.
Reste que la privatisation de l’Onatel ne fait pas l’unanimité. En février dernier, le Syndicat national des télécoms (Synatel) a rendu publiques les conclusions des journées de réflexion qu’il avait organisées sur la question en août 2005. Constatant l’« échec de la stratégie de privatisation partout en Afrique », il s’inquiète de l’avenir de l’Onatel et recommande plutôt une stratégie fondée sur l’actionnariat national et sous-régional pour l’entreprise, compte tenu du rôle des télécommunications « dans le développement humain » L’organisation syndicale ne manque pas non plus de rappeler qu’une première tentative de privatisation de l’Office s’est soldée par un échec retentissant. Il y a deux ans, le gouvernement s’était en effet lancé à la recherche d’un repreneur, mais le processus avait tourné court, aucune offre n’étant parvenue sur son bureau « La privatisation ratée en 2004 n’était pas due à un manque d’intérêt des investisseurs pour l’Onatel, contrairement à ce que l’on a pu lire, plaide Placide Somé. Il s’agissait plutôt d’une démarche extrêmement prudente du gouvernement. Nous voulions céder le capital de l’entreprise de manière progressive, parce que l’environnement international en matière de nouvelles technologies était alors moins favorable. Mais cela n’a pas marché, et nous avons revu notre stratégie. » Seul l’aboutissement, dans les délais, du processus en cours permettra de vérifier que la nouvelle stratégie est la bonne.

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