[Tribune] Au Sahel, la Grande Muraille verte est plus nécessaire que jamais
Reverdir une bande de 8000 km de long reliant la côte Atlantique à la mer Rouge, du Sénégal à l’Érythrée. Tel est l’ambitieux programme qui doit aider le Sahel à se relever. Mais à condition que les acteurs concernés s’impliquent vraiment.
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Ibrahim Thiaw
Secrétaire général adjoint des Nations unies et Secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD)
Publié le 7 septembre 2020 Lecture : 3 minutes.
La Grande Muraille verte du Sahel est un programme ambitieux et une réponse à la hauteur des défis de la région. Elle marque la volonté des peuples et des États de la zone de refuser le déterminisme géographique et climatique.
L’ampleur d’une telle ambition dépasse parfois l’imagination. Comment reverdir une bande de 8000 km de long, reliant la côte Atlantique à la mer Rouge, traversant une mosaïque de onze pays aussi divers que le Sénégal et la Mauritanie à l’ouest ou Djibouti et l’Érythrée à l’est ? Avec quelles sources de financement ? Y a-t-il, derrière ce projet, une réelle volonté politique ?
Cent millions d’hectares
L’idée n’est pas nouvelle. Elle a été portée sur les fonts baptismaux par l’Union africaine en 2007. Cent millions d’hectares stériles devaient être transformés afin de pouvoir produire de nouveau.
Cela devrait permettre la création de millions d’emplois, notamment en milieu rural, pour satisfaire aux besoins élémentaires d’une jeunesse qui, autrement, pourrait être tentée par l’immigration illégale, voire le terrorisme et le trafic illicite.
Dans les campagnes, des millions de femmes devraient pouvoir valoriser leur production grâce à l’électrification rurale, notamment avec l’énergie solaire. L’apport technologique et énergétique permettrait de réduire les pertes énormes liées au manque d’infrastructures de conservation et de transformation ainsi que d’accès aux marchés.
La restauration écologique ne peut réussir que lorsque les communautés y trouvent leur compte
La Grande Muraille verte, c’est plus que planter des arbres, bien que ces derniers soient bien sûr essentiels. C’est aussi améliorer les productions agricole et pastorale, créer les conditions nécessaires à leur pérennisation, transformer l’économie rurale et la rendre économiquement plus attractive, etc. C’est essentiel, parce que nous ne réussirons que si les communautés y trouvent leur compte.
L’accès aux énergies renouvelables peut enfin être généralisé grâce à la baisse substantielle du coût du kWh et à l’amélioration de la productivité énergétique. Les politiques nationales ont aussi évolué favorablement, et ce en dépit de la priorité accordée aux investissements en milieu urbain. En investissant dans la Grande Muraille verte, nous pourrons créer des chaînes de valeur, transformer les produits locaux sur place – plutôt que les exporter sous forme brute – et créer des emplois verts et durables.
Comme les olympiens, nous devons aller plus vite et plus haut
Les résultats provisoires des douze premières années de mise en place de la Grande Muraille verte sont plutôt encourageants : près de vingt millions d’hectares sont déjà restaurés. Mais, comme les olympiens, nous devons aller plus vite et plus haut, faire plus fort, afin d’atteindre les objectifs de 2030.
Pour y parvenir, nous devons naturellement mobiliser des financements, nationaux et internationaux, à la hauteur des enjeux. Mais la quête d’efficacité nous appelle aussi à changer de paradigme dans la mise en œuvre du programme qui, à ce jour, est quasi exclusivement géré par les services forestiers.
Changer de paradigme
L’approche en silo ne fonctionne pas. Il faut un nouveau business model plus inclusif, qui associe les autres institutions sectorielles. Surtout, il faut impliquer davantage les élus locaux ainsi que le secteur privé – c’est fondamental. Une révision de l’architecture et de la gouvernance du programme est donc à prévoir.
« Il nous appartient de réaliser ce rêve », dit la chanteuse et artiste malienne Inna Modja, figure principale du film The Great Green Wall, produit par le Brésilien Fernando Meirelles, auteur du célèbre film La Cité de Dieu. À terme, la Grande Muraille verte constituera la plus grande structure vivante sur Terre. Au point que certains anticipent qu’elle sera la huitième merveille du monde, au bénéfice des générations actuelles et futures. Car comme dit le proverbe : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. »
Les mots d’Inna Modja rappellent ceux de Nelson Mandela : « It always seems impossible until it’s done. » Cela paraît toujours impossible, jusqu’à ce que cela devienne réalité.
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