G8 : la Russie est-elle digne du club ?
Les critères d’appartenance au G8 sont bien connus : un régime démocratique ; une économie puissante ; un niveau de développement élevé ; des institutions solides ; une monnaie convertible ; la qualité de membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ; et un engagement en faveur des objectifs et des principes de la coopération internationale.
Satisfaire à quelques-uns de ces critères ne suffit pas. La Chine et l’Inde sont plus peuplées que tous les pays du G8 réunis ; le PIB de la Chine est plus élevé que celui de tous les pays industrialisés, hormis les États-Unis ; et l’Arabie saoudite est le premier fournisseur mondial de pétrole. Aucun de ces pays n’est membre du club.
Pourtant, la Russie ne remplit qu’une seule des conditions d’appartenance au G8 : la taille de son économie. Le rouble russe n’est pas convertible pour les opérations en capitaux ; la Russie n’est membre ni de l’OMC, ni de l’OCDE, ni de l’AIE, et elle n’est pas un pays économiquement avancé. Depuis 2005, la Russie n’est plus un pays libre. Selon l’indice des droits politiques établi par Freedom House, la Russie se place au 168e rang sur 192 pays. L’indice de perception de la corruption de Transparency International la classe 126e sur 159.
La Russie et les membres du G7 ont des approches divergentes sur la quasi-totalité des sujets essentiels. La Russie est en « guerre » contre ses voisins sur des questions de visas, d’importations de poulet, d’électricité, de gaz naturel, de vin et même d’eau minérale. Les médias officiels de la Russie ont déchaîné leur propagande contre le choix démocratique de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Géorgie et des États baltes.
Il ne fait donc plus aucun doute que la Russie ne satisfait pas aux critères d’appartenance au G8. La question est de savoir si les autres membres doivent ou non participer au prochain sommet de Saint-Pétersbourg [en juillet]. Les idéalistes proposent un boycottage. Les pragmatiques estiment que cela ferait inutilement perdre la face à la Russie. Ils proposent plutôt d’inscrire à l’ordre du jour du sommet une discussion sur la « sécurité énergétique » et une nouvelle tentative de convaincre le gouvernement russe de souscrire aux valeurs démocratiques universelles. Mais il serait naïf d’espérer des résultats substantiels en la matière.
Les autorités russes ont déjà démontré leur conception de la sécurité énergétique. Au lieu de libéraliser les ressources en énergie, elles font l’opposé, aussi bien au niveau national (nationalisation des sociétés privées, consolidation du contrôle de l’État sur les réseaux électriques et le système des oléoducs et gazoducs) qu’au niveau international (tentative d’utiliser des méthodes hors marché pour gérer les ressources énergétiques mondiales).
Mais qui peut réellement penser que les autorités russes vont radicalement changer de comportement sur les conseils des dirigeants du G7 ? En tout état de cause, elles seront même justifiées à refuser de se faire sermonner, le G8 n’étant pas le lieu pour clarifier les codes de conduite. Le simple fait que des dirigeants étrangers éprouvent le besoin d’avoir un débat « franc » sur les affaires intérieures de la Russie prouve qu’ils ne considèrent pas celle-ci comme un membre à part entière du G8.
Quelles que soient les raisons pour lesquelles les dirigeants du G7 décideront d’aller à Saint-Pétersbourg, ce sommet sera perçu et interprété comme un soutien aux actuels dirigeants russes. Il cautionnera les atteintes aux droits de l’homme, à l’État de droit et à la liberté d’expression, les discriminations envers les organisations non gouvernementales, la nationalisation de la propriété privée, l’utilisation belliqueuse des ressources énergétiques et les agressions contre des voisins qui se sont tournés vers la démocratie. ¦
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