Festival Arabesques – Habib Dechraoui : « Il nous a fallu beaucoup de combativité pour maintenir l’événement »
Arabesques, le festival des arts du monde arabe de Montpellier, a réussi à sauver sa quinzième édition au prix de lourds aménagements dans sa programmation. Elle se tient du 8 au 20 septembre.
Il faut bien avouer qu’on n’y croyait pas. En raison des mesures anti-Covid soumettant les rassemblements à des règles très contraignantes, les grands événements culturels français déclaraient forfait les uns après les autres. Mais le festival Arabesques, à Montpellier, affichait toujours un optimisme à toute épreuve sur sa faisabilité. La présentation de la programmation du festival, le 17 juillet dernier, voyait affluer plus de 400 curieux… Un engouement sans précédent pour cette étape traditionnelle du plus important festival européen consacré aux arts du monde arabe (conte, cinéma, musique, calligraphie…). Et voilà que, comme chaque année depuis maintenant quinze éditions, la manifestation a bien été lancée… Elle se déroulera du 8 au 20 septembre, du moins si tout se passe comme prévu. Rencontre avec son directeur, Habib Dechraoui.
Jeune Afrique : Planifier ce festival a-t-il été compliqué ?
Habib Dechraoui : C’est la cinquième version de l’événement ! On a continuellement retouché la programmation, on a dû reporter des spectacles à l’année prochaine… Il nous a fallu beaucoup de combativité pour maintenir le festival et ne pas céder à la tentation du numérique. Même si j’apprécie beaucoup de mettre en ligne des concerts, des conférences, je pense qu’on ne remplacera jamais la « vraie réalité » et les rassemblements humains par du virtuel.
Qu’avez-vous renoncé à présenter ?
Dans le cadre de Bethléem capitale culturelle du monde arabe 2020, nous avions prévu d’inviter une grosse formation de musiciens palestiniens qui devaient déambuler dans les écoles et les gares… On a évidemment tout de suite décidé de repousser ces concerts. Même chose pour l’orchestre symphonique de Tunisie, qui compte plus de trente musiciens. Certains consulats français à l’étranger ayant été fermés, on a compris qu’on n’obtiendrait pas de visas – ce qui est déjà parfois difficile en temps normal –, et donc annulé d’autres spectacles.
Sentez-vous une certaine frilosité du public, des bénévoles ?
Non, au contraire ! La présentation du festival en juillet n’avait jamais accueilli autant de monde. Et nous avons près de 30 % de bénévoles de plus que l’année dernière, soit près de 130 personnes au total.
Comment l’expliquez-vous ?
D’abord il y a une envie évidente de faire la fête, de se retrouver après la période difficile que nous avons vécue. Et puis le festival se déroule en plein air, ce qui rassure les gens. Après des soirées événements à l’Opéra de Montpellier, nous prenons nos quartiers dans le domaine d’Ô, sur près de 23 hectares ! Si l’on a pu maintenir une grosse partie de notre programmation, c’est parce que nous pouvions jouer dehors. Il n’y a que le spectacle de conte [avec Chirine Al Ansary, Ali Mergache, et Jihad Darwiche, NDLR] qui se déroulera en intérieur, mais la salle de 660 places du théâtre devrait accueillir comme d’habitude environ 300 personnes, ce qui nous permet de respecter les consignes gouvernementales.
Les spectacles se joueront donc principalement dans l’amphithéâtre du domaine d’Ô ?
Oui, et pour ce faire nous avons rassemblé des groupes. Comme Jawhar et Al Qasar, des représentants de la nouvelle scène, qui se partageront le plateau. C’est un défi évidemment de rassembler du public pour des formations moins connues dans l’amphithéâtre, mais on ne pouvait pas faire autrement. Il n’y aura pas de spectateurs debout dans la fosse, on respectera la règle d’un siège vide entre groupes d’amis. Ce n’était pas négociable, mais si c’est le prix à payer pour maintenir l’événement, ça me va !
Il y a toujours un risque d’annulation ?
Oui, une interdiction est toujours techniquement envisageable.
Il y a deux gros spectacles prévus pour le dernier week-end.
Le comte de Bouderbala, qui n’avait pas pu jouer l’année précédente à cause du mauvais temps, s’était engagé à revenir. Il sera là le 19 au soir. Et l’Orchestre national de Barbès nous fait l’honneur de venir clôturer ses vingt-cinq années de tournée chez nous !
Comment voyez-vous les prochaines éditions ? Pensez-vous que le festival puisse se maintenir malgré les contraintes imposées par le Covid ?
Non, c’est impossible. L’État ne pourrait pas payer pour un siège inoccupé sur deux. On n’imagine pas le mal que la pandémie fait à la culture en ce moment. Et en même temps je veux continuer à voir le positif. À l’avenir, les gens seront peut-être moins entassés les uns sur les autres dans les festivals, ils iront se laver régulièrement les mains… Je relativise aussi en pensant aux artistes étrangers qui n’ont ni aide ni accompagnement spécifique en Espagne, au Maroc, en Tunisie, et ailleurs. Avant l’effroyable explosion à Beyrouth, j’avais une amie libanaise au téléphone. Je lui confiais les problèmes que nous rencontrons, lui disais que nous étions alors incapables de savoir si le festival pourrait se tenir. Elle m’a expliqué que dans son pays, c’était toujours comme ça, pandémie ou pas… un spectacle sur deux arrive à terme ! Ça donne à réfléchir.
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