Y a-t-il une vie après la mondialisation ?

Le Bureau international du travail publie une étude critique sur la libéralisation et ses conséquences, pas toujours socialement correctes.

Publié le 15 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

« La mondialisation peut et doit changer. » Telle est la conclusion d’un rapport du Bureau international du travail (BIT), publié le 24 février après deux ans d’enquête sur les conséquences sociales de ce nouvel ordre planétaire, pourtant considéré il y a quelques années comme la promesse d’une vie meilleure. L’étude de 200 pages, « Une mondialisation juste : créer des opportunités pour tous », se veut « critique » mais « positive ». Les auteurs rappellent que « le potentiel de la mondialisation est immense mais [que] le processus engendre des déséquilibres entre pays et à l’intérieur des pays ». S’ils dressent un diagnostic sévère du phénomène, ils reconnaissent que celui-ci a aussi « ouvert la voie à de nombreux avantages, favorisé l’ouverture des économies et des sociétés et encouragé la libéralisation des échanges de biens, d’idées et de connaissances ». Au final, la mondialisation est « ce que nous en faisons », insiste le BIT. Et de montrer du doigt la mauvaise gouvernance des États et des institutions internationales, telles que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international (FMI) qualifiés d’« arrogants et ignorants de la situation locale ». Mais plutôt que d’accabler les responsables, les vingt-six membres de la commission mise sur pied par le BIT et coprésidée par les chefs d’État tanzanien et finlandais, William Mkapa et Tarja Halonen, s’attellent à formuler des propositions pour « sortir de l’impasse actuelle ».
Et, d’après eux, il y a urgence. Réduction des normes sociales, précarité grandissante, chômage galopant, développement des réseaux informels : la litanie des déséquilibres ne cesse de s’allonger et de faire des ravages. « Les avantages sont trop abstraits pour beaucoup de gens, tandis que les risques, eux, sont bien réels. » Le taux de chômage, par exemple, n’a jamais été aussi élevé. En 2003, on dénombrait 188 millions de chômeurs dans le monde. À l’échelle de la planète, les pays en développement (PED) sont les plus frappés : 14,4 % de la population active, contre une moyenne mondiale avoisinant 6,2 %. Quel que soit le pays, ce sont les catégories de la population les plus vulnérables (les jeunes et les femmes) qui sont les premières victimes de ces inégalités. Elles prennent des proportions alarmantes à l’intérieur même des pays, à l’instar des États-Unis, où « 17 % du revenu brut est accaparé par 1 % de la population ». Le rapport affirme que cette fragilisation sociale est une conséquence de l’exigence de compétitivité à laquelle doivent répondre les entreprises.
Force est de constater que la mondialisation n’a donc pas garanti la croissance escomptée. La progression du PIB mondial a même ralenti, passant de 1,01 % en 1990 à 0,8 % en 2003, constate le BIT. Encore une fois, ce sont les PED, et en premier lieu les africains, qui en paient le plus lourd tribut. Le fossé entre le Nord et le Sud continue de se creuser. Le revenu par habitant des pays les plus pauvres est passé de 212 dollars en 1962 à 267 dollars quarante ans plus tard, soit une progression de 21 %, tandis que celui des plus riches a augmenté de 183 % pour culminer à 32 339 dollars en 2002 ! Les 22 pays industrialisés, qui représentent 14 % de la population mondiale, contrôlent la moitié des échanges internationaux et plus de la moitié des investissements directs étrangers (IDE).
Quelques PED ont toutefois réussi à se libérer des « politiques inadaptées, véritables camisoles de force » imposées par les institutions internationales, selon les commissaires du BIT, et à sauter dans le train (à grande vitesse) de la mondialisation. La Chine, notamment, a attiré 23 % des IDE en moins de dix ans. Non loin, en Asie du Sud-Est, « 200 millions de personnes [sont sorties] de la pauvreté en une seule décennie ». Si certains PED échappent à ce marasme économique et social, c’est parce que « les ressources et les moyens existent », martèle le rapport. Pour que tous profitent de la mondialisation, les experts préconisent de mettre en oeuvre des règles plus équitables en matière de commerce international, d’investissement ou encore de finance. Ils incitent également à « renforcer la discrimination positive en faveur des pays qui n’ont pas les mêmes capacités que ceux qui se sont développés plus tôt ». Enfin, « les organisations doivent être, vis-à-vis du public, […] comptables des politiques qu’elles appliquent ». Au même titre que les gouvernements démocratiques sont responsables devant le peuple qui les a élus… À bon entendeur.

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