Urgences mortelles

« Mon fils est mort d’une péritonite parce qu’il est arrivé trop tard à l’hôpital » « Pour l’accouchement de ma sur, j’ai tardé à trouver l’argent au village, elle est morted’une hémorragie » « Mon petit frère est mort du paludisme, il n’y avait pas

Publié le 16 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Quoi de plus désespérant pour une famille et de plus déprimant pour un médecin que de ne pouvoir soigner et guérir ces urgences pourtant faciles à traiter ? Cela faute de matériel ou de médicaments et plus souvent encore faute d’argent : sur le continent,
les assurances ne couvrent que 5 % à 10 % de la population, en général la plus favorisée. Il faut donc permettre le traitement sans frais ou à peu de frais des situations vitales médicales ou chirurgicales. Une préoccupation essentielle dans plusieurs pays subsahariens, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les coopérations occidentales ignorent le plus souvent.
Lors d’un récent congrès international, des médecins sénégalais, béninois, gabonais, camerounais et français, confrontés à des urgences « tropicales », ont tous souligné les insuffisances, souvent mortelles, des transports de malades en phase pré-hospitalière et les difficultés de leur prise en charge à l’hôpital… lorsqu’ils y arrivent.
Le transport d’abord : 90 % à 95 % des malades arrivent à l’hôpital par des moyens « privés ». Qu’est-ce à dire ? Un père transporte sur son dos son enfant fracturé. Une personne souffrant d’une crise d’appendicite a pris le taxi-brousse ; à l’arrivée, c’est une péritonite. La maman transporte dans un camion de bananes son fils frissonnant d’un accès paludéen. Très exceptionnellement, une ambulance ou un véhicule de pompiers amène le
patient, mais il est rare qu’un médecin soit à bord avec du matériel de réanimation. D’après les statistiques, le délai moyen entre l’arrivée à l’hôpital et le début de l’intervention est d’environ huit heures trente. Certains malades ne sont pas du tout pris en charge faute de matériel ou d’argent. Ces services d’accueil des urgences manquent de personnels qualifiés, d’équipements de réanimation, de médicaments, et utilisent rarement du matériel à usage unique.
C’est la traumatologie (accidents de la route, rixes, chutes, etc.) qui est la principale cause des situations d’urgence. Mais les urgences viscérales, médicales ou pédiatriques sont aussi très nombreuses. L’insuffisance de prise en charge des urgences médico-obstétricales se traduit par une mortalité maternelle cent fois plus importante au sud du Sahara qu’en Europe. Le taux global de mortalité, toutes urgences confondues, est en moyenne de 10 % pour les malades pris en charge.
Des progrès dans cette prise en charge particulière sont toutefois notables, comme à Cotonou. Avec, d’abord, la mise en place d’un service d’accueil des urgences comprenant un personnel médical permanent (3 médecins, 3 chirurgiens, 3 anesthésistes-réanimateurs),
des infirmiers en nombre suffisant, un équipement correct, l’inclusion de blocs opératoires autonomes ne recevant que les urgences, et un SAMU, avec des ambulances médicalisées pour un quart d’entre elles. Un médecin ne se trouvant à bord de l’ambulance que dans 6 % des cas (coût du transport en ambulance : 5 000 F CFA, soit 7 euros).
Autre progrès, la création à Yaoundé d’un enseignement de deux ans spécialisé dans la prise en charge des urgences. Ainsi, 15 à 20 médecins urgentistes seront formés chaque année.
Alors qu’une prise de conscience a lieu en Afrique et que s’amorcent des solutions nationales, il apparaît indispensable que les pays développés aident à les mettre en uvre. Un grand nombre de vies peuvent être sauvées facilement. Elles le sont sans difficultés en Europe. Pourquoi pas en Afrique ?

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