Un partenariat bien enraciné

La coopération nipponne, débutée en 1975, connaît un essor important et revêt une dimension économique et culturelle.

Publié le 15 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Haruko Uenishi tape énergiquement dans ses mains et ânonne en arabe les paroles d’une chansonnette. Une quarantaine de bambins, assis contre les murs de la salle principale du jardin d’enfants de Djebel Lahmar, un quartier défavorisé de tunis, reprennent joyeusement en coeur, indifférents au fait que cette institutrice ne leur ressemble guère et ne parle pas leur langue. A 63 ans, Haruko Uenishi a décidé de quitter son Japon natal pour venir aider l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT) dans le cadre des programmes de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica). Ils sont cinquante-six, ces « volontaires seniors » – plus de 40 ans -, à venir travailler quasiment bénévolement pour le gouvernement ou en faveur d’associations tunisiennes. Après l’Indonésie, la Tunisie est le pays qui reçoit le plus de volontaires expérimentés comme Haruko Uenishi. « La Tunisie n’est pas un pays classique de coopération pour nous », explique Eizen Irei, le représentant de la Jica en Tunisie. « Son développement socio-économique est bien plus élevé que celui du Kenya ou de la Tanzanie. Nous avons donc besoin de faire appel à des coopérants de haut niveau qui puissent leur être utiles. »
La coopération japonaise en Tunisie date de 1975. Prêts remboursables, dons, coopération technique : l’empire du Soleil-Levant apprécie le travail avec son bénéficiaire méditerranéen, notamment parce que les remboursements sont toujours rentrés à temps dans les caisses et que les Tunisiens sont plus efficaces et plus flexibles que les Marocains, avec qui le Japon entretient le même genre de coopération, juge un officiel de la JBIC, la banque de développement japonaise.
Depuis la fin des années 1990, la coopération japonaise en Tunisie a pris une nouvelle dimension. Le premier programme de coopération triangulaire entre l’Agence tunisienne de coopération technique (ATCT), la Jica et les pays d’Afrique subsaharienne remonte à 1999. Des experts tunisiens en santé reproductive ont été envoyés dans six pays africains, grâce au Japon. L’expérience sera renouvelée cette année, et trois experts tunisiens iront également aider à renforcer les capacités de l’école de pêche de Nouadhibou, en Mauritanie. « Ce pays possède déjà des technologies importantes, souligne Eizen Irei. À travers elles, on peut mettre en oeuvre des programmes de coopération Sud-Sud avec l’Afrique francophone et dans le monde arabe. »
Les domaines dans lesquels la Tunisie et le Japon peuvent coopérer sont ainsi plus nombreux qu’on pourrait le penser. La jeune Maya Kaneko (25 ans) le sait bien. Arrivée il y a un an à Monastir, elle enseigne la danse classique aux petites Tunisiennes à l’École régionale de musique et de danse de la ville.
En fait, les relations entre les deux pays sont plus intenses qu’on le croit. Depuis 1996, la Tunisie reçoit environ 15 milliards de yens (108 millions d’euros) par an en prêts, et le Japon finance aujourd’hui treize projets (alimentation en eau des communes rurales, renforcement de la compétitivité industrielle…) pour un montant de 477 millions d’euros. Malgré ces efforts, les conséquences sur l’investissement japonais en Tunisie se font attendre. Au grand dam des Tunisiens, les entrepreneurs nippons ne se pressent pas au portillon du guichet unique. Sur un peu plus de 2 600 entreprises étrangères basées en Tunisie, seules 8 sont japonaises. « Nous essayons de les convaincre que notre pays peut être une excellente plate-forme pour la production destinée à la vente en Europe. D’ici peu, nous serons dans une zone de libre-échange », explique Abdessalem Mansour, directeur de l’Agence de promotion de l’investissement extérieur (Foreign Investment Promotion Agency, Fipa). Mais force est de constater que la communication passe mal. Et chacun de se renvoyer la balle : la faute aux entreprises japonaises, trop conservatrices et frileuses à l’égard de la Tunisie, pour les uns. La faute aux Tunisiens, qui ne feraient pas suffisamment d’efforts pour « vendre » leur pays à Tokyo, pour les autres. En attendant, les volontaires s’activent et tentent, tant bien que mal, de dresser un pont entre ces deux mondes.

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