Un 8 mars en Afrique
Les mauvaises langues masculines disent que c’est le seul jour de l’année où elles ont le droit de sortir de leurs cuisines. Le 8 mars 2004, les femmes africaines ont, à l’instar de leurs congénères des autres continents, organisé de nombreuses manifestations sur les questions qui leur tiennent à cur. Le sida thème retenu par les Nations unies et plus
généralement les problèmes de santé ont été particulièrement à l’honneur.
À Addis-Abeba, en Éthiopie, quelque quatre cents réfugiés et écoliers ont visionné un documentaire intitulé Hidden Tears (« Larmes refoulées ») mettant en lumière des femmes
vivant avec le VIH. Une manière de sensibiliser les plus jeunes à l’importance d’une maladie qui toucherait plus de 2,2 millions de personnes dans le pays. Au Cameroun, plusieurs centres hospitaliers de Yaoundé ont mis en place des séances de dépistage du virus à moindre coût (1 500 F CFA, au lieu des 6 500 F CFA réclamés habituellement).
En Ouganda, les militantes ont attiré l’attention sur les complications liées à la grossesse qui tuent chaque année six mille femmes. La mortalité maternelle induirait des pertes annuelles de 35 millions de dollars. Près de 30 % de ces décès concerneraient des
adolescentes ayant cherché à se débarrasser d’un ftus résultant d’un viol ou d’un
mariage forcé.
Les Ghanéennes ont battu le pavé à Accra pour exiger l’adoption par le législateur du cadre juridique condamnant les mauvais traitements infligés par leurs conjoints. « Qui a peur de la loi contre les violences conjugales ? » pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les manifestantes.
À Johannesburg, Gwen Ramokgopa, la ministre de la Santé de la province sudafricaine de Gauteng, a lancé un appel pour soutenir les femmes victimes d’agressions sexuelles, un
crime quotidien dans le pays puisque plus de huit mille d’entre elles ont fréquenté les centres médicaux pour cette raison entre avril 2003 et janvier 2004.
Dans plusieurs pays, les associations féminines ont appelé à une meilleure intégration des femmes dans les activités économiques et politiques. Le Centre mauritanien d’analyse politique (CMAP) et le secrétariat d’État à la Condition féminine ont présenté un ouvrage qui met en évidence les difficultés que rencontrent les femmes sur le marché de l’emploi en raison de leur marginalisation par les employeurs. Le document révèle également que le sort de femmes en milieu rural demeure difficile, ces dernières étant défavorisées en
matière d’accès à l’école, aux services de santé et aux ressources productives (foncier, crédit et intrants agricoles).
En Namibie, Veronica de Klerk, directrice de Women Action for Development, a exhorté ses compatriotes à rompre le cou à l’idée reçue qui associe la femme à sa cuisine et leur a demandé de multiplier les innovations. Reprenant un postulat en vogue le niveau de
civilisation d’un pays est relatif au statut de la femme dans la société , le Times de
Zambie loue le dynamisme de ses citoyennes et leur conseille de se lancer dans la transformation industrielle, notamment des produits agricoles.
Arianne Navarre-Marie, la ministre mauricienne de la Femme, a appelé ses congénères à s’engager activement dans la politique pour atteindre une représentation de 30 % à l’Assemblée nationale en 2005.
Femme politique de premier rang, l’Ivoirienne Henriette Diabaté, actuellement ministre de la Justice, a uvré avec d’autres associations féminines en faveur de la paix. « Le rôle
de la femme n’est pas d’encourager la haine et la division, mais plutôt de prôner la cohésion », a-t-elle expliqué.
Les associations féminines burkinabè ont signé une déclaration dans le quotidien Le Pays
dans laquelle elles stigmatisent l’insécurité, la gabegie et la corruption au Pays des
hommes intègres. Et posent des questions embarrassantes : pourquoi les Burkinabè n’arrivent-ils pas à se nourrir et à se soigner correctement ? Pourquoi le pouvoir d’achat est-il en baisse ? Pourquoi 46 % de la population vit-elle avec moins de 200 F CFA
(0,30 euro) par jour ?
Cette journée du 8 mars fut également l’occasion de se pencher sur la condition des femmes dans l’univers carcéral et de faire quelques gestes symboliques. Ainsi, la présidente de l’Association des femmes juristes du Bénin a remis divers dons (vêtements, produits cosmétiques et alimentaires) aux détenues de la prison civile de Cotonou. Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a, quant à lui, accordé une remise de peine à
242 Algériennes. Une manuvre pour le moins habile à quelques jours de l’élection présidentielle
Le combat des femmes a également rencontré des soutiens plus inattendus comme celui du
vice-Premier ministre mauricien, Parvind Jugnauth, qui a demandé qu’on bannisse les stéréotypes inculqués dès l’enfance tels que dire à un garçon « arrête ploré couma ène tifi » ou à une fille « to couma ène garçon manqué ». Mais, dans l’ensemble, les grands
hommes politiques africains ne se sont pas montrés plus féministes que leurs douces moitiés
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